Editorial du 17e compte-rendu de mandat de Jean-Pierre Sueur (novembre 2010)

Pourquoi ai-je rédigé, un rapport intitulé « Sondages et démocratie : pour une législation plus respectueuse de la sincérité du débat politique ».
Parce qu’il suffit de lire un journal, d’écouter la radio, de regarder la télévision ou de consulter les sites Internet pour constater la place considérable que les sondages ont prise dans nos débats publics.
Il n’est pratiquement plus de débat où l’on n’entende l’un ou l’autre – et souvent l’un et l’autre – des interlocuteurs asséner cet argument massue : « Et d’ailleurs un sondage montre que 60% ou 40% des Français pensent que… ».
Cette omniprésence des sondages appelle une refonte de la loi de 1977 qui les régit, loi qui apparaît aujourd’hui caduque et inadaptée.
Le maître-mot de notre rapport est « transparence ». Il faut que l’on sache pour chaque sondage (et le cas échant pour chaque partie de sondage) qui l’a commandé et qui l’a effectivement payé. L’actualité récente montre que ce n’est pas inutile !
Nous demandons aussi la transparence sur les conditions de réalisation des sondages, les taux de non-réponse, les marges d’erreur (aujourd’hui superbement ignorées) et les techniques de redressement.
Certains sondeurs nous disent que cela relève de leurs secrets de fabrication. Ils ajoutent qu’on ne demande pas à un grand chef ses recettes de cuisine - ou de gastronomie. Mais il y a une différence : le grand chef ne prétend pas faire de la science, alors que les instituts de sondage disent que leur démarche est scientifique. Prenons-les au mot. Toute démarche scientifique se doit d’être transparente sur ses méthodes et ses résultats.
J’ajoute une réflexion. Les sondages, s’ils sont faits avec rigueur apportent des informations utiles. Mais là n’est pas l’essentiel.
L’essentiel, pour un responsable politique, c’est de défendre ce qu’il croit vrai et ce qu’il croit juste.
Je me méfie des attitudes qui consistent, pour les responsables politiques, à consulter constamment  « l’opinion » et à se demander chaque matin : « Que dois-je faire pour répondre à l’idée que je me fais des attentes de l’opinion telles qu’elles sont mesurées par les sondages ? ».
Avec de telles attitudes, tous les discours finiront par se ressembler, la pensée politique s’étiolera et on sombrera dans une sorte de narcissisme collectif.
Il est, bien sûr, utile de comprendre l’opinion. Mais, j’y reviens, ce qu’on attend d’abord des responsables politiques, c’est qu’ils disent ce qu’ils croient juste, ce qu’ils croient vrai, et qu’ils agissent en conséquence.
Jean-Pierre Sueur
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