Concert silencieuxL’oxymore – on le sait – est la juxtaposition de mots de sens contraire, « tombe des étoiles ». En intitulant leur livre, joliment illustré, sur Orléans et la musique, « Le concert silencieux », Jean-Dominique Burtin et Hélène Bensaad ont, à leur tour, usé de cette figure de rhétorique à bon escient car si Orléans, dans son histoire et sa géographie, recèle tant de souvenirs et d’actualités musicales, elle n’est pas le réceptacle d’œuvres tonitruantes, du tintamarre surfait ou des propagandes tapageuses. C’est une ville qui se découvre en silence, dans le calme de ses rues, la sérénité de ses bords de Loire. Si bien que l’autre jeu de mots qu’ouvre l’ouvrage (page 5) entre « ballades » et « balades » - terreur des professeurs d’orthographe – convient lui aussi au sujet. Le livre nous propose une errance qui se joue de la chronologie comme de la topographie entre les murs d’hier et d’aujourd’hui, les musiques d’autrefois et celles de demain.
Au fil des pages, on découvre le grand orgue de la cathédrale, un Cavaillé Coll d’abord installé à Saint-Benoît sur Loire, qu’il fallut transporter par voie fluviale cependant que les habitants de Saint-Benoît s’insurgeaient. Il fallut pas moins de « deux compagnies de la garde royale » pour protéger le démontage et les vents – traduisant sans doute la désapprobation céleste, du moins le crut-on – furent résolument contraires lorsque l’étonnante embarcation largua les amarres à Saint-Benoît.
On découvre d’autres orgues : celles du passage du saloir à l’hôtel des Créneaux et celles, récemment installées, de Saint-Marceau.
On revient au bourdon de la cathédrale dont la fabrication échappa étonnamment à la fonderie Bollée, même si une part non négligeable du bronze provient de l’ancien bourdon, façonné, celui-là, par la fonderie du faubourg de Bourgogne.
On se tourne vers l’Institut et des figures de musiciens célèbres. On retrouve le Conservatoire, Antoine Mariotte et René Berthelot. On arrive à l’ancienne salle du théâtre à l’italienne, hélas démontée pour laisser place au nouveau centre municipal et on apprend que son directeur protestait jadis contre les croassements des nombreuses grenouilles qui, place de l’Etape, troublaient les vocalises des concerts lyriques ! On note qu’au début du XXe siècle, le théâtre offrait le dimanche après-midi pas moins de trois pièces – dont une œuvre lyrique – d’affilée.
On en vient au musée historique et à la longiligne trompe de Neuvy-en-Sullias, due à l’art gaulois, comme la danseuse et le petit cheval. Au musée des Beaux-Arts, on admire la vague de Courbet, que nos auteurs s’amusent à mettre en correspondance avec le buste de l’immortel auteur de « La mer », Claude Debussy.
Le musée recèle encore biens des œuvres qui rappellent la musique et notamment « Le visage à la harpe » et la « Nature morte à la trompette » de Roger Toulouse. On passe sur les mails où l’on salue l’ancien kiosque avant de rejoindre la médiathèque, où tant de partitions d’importance sont gardées, et les contemporaines « Turbulences » du FRAC.
… Et l’on oublie ni la Musique municipale d’Orléans dont on a fêté récemment le 150e anniversaire, ni les semaines musicales d’Orléans malheureusement disparues, ni le concours international du piano du XXe siècle toujours vivant et vivace grâce à la belle ténacité de Françoise Thinat, ni le festival de jazz, ni Josef Nadj danseur-musicien, ni nos amis luthiers tel Bruno Dreux en son atelier de la rue de Bourgogne.
Un seul reproche véniel : si les photos sont belles, les légendes n’y renvoient pas toujours exactement. Ce léger défaut pourra être corrigé dans la seconde édition.
… En attendant, savourez de page en page et de rue en rue le « concert silencieux » de Jean-Dominique Burtin et d’Hélène Bensaad.

Jean-Pierre Sueur

 

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