Ayant été réélu vice-président de la Commission des lois du Sénat – commission que j’ai présidée durant trois ans, et à laquelle j’appartiens depuis que je suis sénateur – j’ai pensé qu’il était utile que j’en dise quelques mots.

Cette commission « des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale » a en charge environ la moitié – parfois davantage – des projets et propositions de loi. C’est dire que son activité est intense.

Elle traite de tous les textes relatifs à la Justice – justice pénale, administrative, commerciale, prud’homale – et aussi de l’administration pénitentiaire (les maisons d’arrêt, centres pénitentiaires, etc.) et de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).

Elle a en charge tout ce qui relève du ministère de l’Intérieur, et donc de la sécurité publique, la lutte contre le terrorisme et les attentats, mais aussi la sécurité civile (les sapeurs-pompiers).

Relèvent également du ministère de l’Intérieur – et donc de la Commission des lois – l’administration de l’État – et donc les préfectures, sous-préfectures, mais aussi les services publics et la fonction publique.

Relèvent encore de la Commission des lois les dossiers relatifs à l’immigration et au droit d’asile.

J’y ajouterai les lois électorales – qui ne sont pas un petit sujet, comme on l’a vu au cours des dernières années.

Et, bien qu’elles relèvent non seulement du ministère de l’Intérieur mais aussi d‘autres minstères, j’y ajouterai le grand sujet des collectivités locales – communes, intercommunalités, départements, régions – et donc de tout ce qui a trait à la décentralisation.

Autre sujet, très lourd, dont la commission des lois a la charge : l’outremer. Ce sujet est important, mais aussi multiple car chaque collectivité d’outremer a son identité et son statut propres. Outre les textes de loi, l’outremer justifie de nombreux rapports (j’en ai corédigé quatre au cours du dernier mandat). De surcroît, il faut veiller pour chaque texte législatif à écrire des articles spécifiques relatifs à l’application dudit texte à chaque collectivité d’outremer.

N’oublions pas que l’outremer, ce sont des millions de compatriotes – c’est la présence et l’influence de la France sur tous les continents.

J’ajouterai que les projets de lois constitutionnelles relèvent encore de la Commission des lois.

Et je terminerai en précisant que cet inventaire n’est pas exhaustif !

On pourrait s’interroger sur la question de savoir s’il est judicieux que tous ces sujets soient traités par la même commission.

Je me souviens que des questions du même ordre s’étaient posées s’agissant du ministère de l’Intérieur lorsque j’étais secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur, chargé des collectivités locales. Et la question est récurrente. On a ainsi souvent suggéré de rattacher les préfets au Premier ministre, de créer un ministère des collectivités locales complètement distinct du ministère de l’Intérieur – si bien que dans un tel schéma, le ministère de l’Intérieur deviendrait, en gros, un ministère de la Sécurité – ou de la Police.

Je n’ai jamais souscrit à un tel schéma. Il m’est toujours apparu bénéfique au contraire que le même ministère ait en charge à la fois l’organisation et la gestion de l’État ET les collectivités locales. Il n’y a jamais eu pour moi de fossé ou de rupture entre l’État et les collectivités locales : le premier comme les secondes ont en charge le service public, le bien public. Toute la question est de savoir comment leurs prérogatives s’articulent. La décentralisation n’est pas la négation de l’État. Elle est la négation d’un État ankylosé, mais certes pas d’un État qui exerce pleinement ses compétences propres.

De même, j’ai toujours apprécié qu’il y ait au ministère de l’Intérieur les directions générales de la police nationale (et maintenant de la sécurité intérieure) ET la direction générale des libertés publiques. Leurs missions sont – ou doivent être – complémentaires.

Mais revenons à la Commission des lois. En vertu des mêmes réflexions que je menais sur le ministère de l’Intérieur, je crois pouvoir dire aujourd’hui que le fait de traiter à la fois des différents sujets dont j’ai fait l’inventaire est bénéfique.

Aussi me paraît-il judicieux que notre commission traite à la fois des questions de justice, de liberté ET de sécurité.

Dans toutes les lois visant à assurer notre sécurité, à lutter contre le terrorisme et les attentats, la question des libertés et du rôle de la Justice se pose. La victoire des terroristes, ce serait de nous faire renoncer à nos libertés. Et pourtant, sans mesures spécifiques – et qui ne manquent pas de conséquences – on ne peut pas lutter contre le terrorisme. Toute la question, c’est toujours l’articulation entre des préoccupations légitimes.

De même est-il judicieux de traiter à la fois de l’organisation de l’État, de ses prérogatives ET des collectivités locales de métropole et d’outremer.

Je pourrais multiplier les exemples…

Mais il est temps de conclure.

Il reste maintenant aux membres de la Commission des lois au Sénat d’assurer au cours de ce nouveau mandat leur lourde tâche avec détermination. Car s’agissant de toutes ces matières, le Parlement doit pleinement assumer les missions que la Constitution lui confie. Il serait paradoxal et incompréhensible qu’il en fût autrement.

Jean-Pierre Sueur