Décrier la politique est, que « du plus loin qu’il pouvait s’en souvenir, la politique, et non seulement les politiques, étaient l’objet de critiques virulentes. »
Et il suffit de lire les journaux du début du XXe siècle pour mesurer le degré de violence verbale atteint par les polémiques, mais aussi par les attaques ad hominem – je pense aux injures antisémites par exemple – pour constater qu’à cet égard, les choses se sont, malgré les apparences, plutôt améliorées.
Même si la France est aujourd’hui l’un des pays du monde où l’on vit le mieux – il suffit de comparer ! –, je ne mésestime pas les difficultés que connaissent nombre de nos concitoyens. Je pense aux jeunes qui ne trouvent pas d’emploi, à tous les chômeurs et aux personnes qui connaissent la précarité. Et je comprends les réactions et les révoltes que cet état de choses peut susciter.
Mais je ne pense pas que cela justifie de jeter par-dessus bord toutes les politiques et tous les politiques.
D’abord parce que la réponse aux difficultés de notre société demande des solutions courageuses. Et que les politiques courageuses sont rarement populaires – du moins sur le moment.
Mais aussi parce que sans politique, sans débat, sans Parlement, sans partis… il n’est tout simplement pas de démocratie, pas de république et que le rêve d’une société sans politique peut devenir bien vite le cauchemar de l’extrémisme, voire du totalitarisme.
Disons-le : la politique ce sont (face 1) des convictions des valeurs, des projets, des idéaux, de l’altruisme, le sens de l’intérêt général.
Mais ajoutons aussitôt que la politique, c’est aussi (face 2) : des ambitions, des luttes pour le pouvoir ; des égos (voire des hyper-égos…) – et même, hélas, des questions d’intérêt personnel, voire de corruption.
Tout le problème, c’est que la face 2 ne l’emporte pas sur la face 1.
C’est, comme disait Péguy, que la mystique – il parlait de « mystique » républicaine, en l’espèce – ne soit pas dévorée par la politique (entendons la « politique politicienne ») à laquelle elle a « donné naissance ».
C’est un combat de chaque jour. Un combat qui vaut d’être mené. Car, comme l’écrivait également Péguy au sujet de la philosophie d’Emmanuel Kant : « Le kantisme a les mains pures, mais il n’a pas de mains. »

Jean-Pierre Sueur