Collégiale Saint-Pierre le Puellier

Je suis très heureux, et également très ému, de participer ce soir à l’inauguration de l’exposition consacrée aux œuvres de deux artistes chinois contemporains, Wu Weihe et Bai Congmin, à la Collégiale Saint-Piere-le-Puellier.

Cette exposition est une surprise. La programmation de la Collégiale est souvent déterminée 18 mois à l’avance. Mais il peut toutefois arriver que certaines expositions se décident quelques semaines seulement avant la publication du programme semestriel. C’est le cas pour cette exposition, qui est le fruit de plusieurs rencontres.

Rencontre initiale entre une galerie de Luxembourg, la galerie Déclic et son animatrice Chantal de Jaeger, et de Wu Weihe et Bai Congmin. Rencontre ensuite entre le travail de ces deux artistes et un autre artiste qui habite dans notre région, et dont nous avons pu revoir le travail, l’année dernière, à la Collégiale, Tung Wen Mare. Troisième rencontre ensuite, car après sa visite à Luxembourg, Tung Wen Mare a fait part de sa découverte à Nathalie Grenon qui a décidé d’organiser cette exposition et d’accueillir Wu Weihe et Bai Congmin à Orléans. Je voudrais donc remercier chacun d’entre eux pour nous permettre aujourd’hui de découvrir ces artistes et ces œuvres.

L’invitation d’artistes étrangers n’est pas une première. Tantôt dans le cadre du Forum des Droits de l’Homme, tantôt dans le cadre de la programmation annuelle de la Collégiale, nous avons pu découvrir les œuvres d’artistes belges, tchèques, polonais (avec Kantor dernièrement), d’artistes du pourtour de la Méditerranée (avec Images-Métisses), d’artistes mongols, d’artistes algériens. Ces expositions sont aussi des rencontres avec d’autres cultures, d’autres histoires nationales, d’autres traditions picturales.

Elles ont permis, entre autre, de faire de la Collégiale ce lieu ouvert à tous, exposants et visiteurs, associations et individuels, un lieu que de nombreux orléanais se sont appropriés puisque, aujourd’hui, le nombre de visiteurs annuels de la Collégiale, plus de 60 000, en fait l’un des établissements culturels les plus fréquentés de notre ville. Aujourd’hui, la programmation de la Collégiale est synonyme d’ouverture et d’exigence. S’y côtoient, au cours de l’année, les artisans d’art, les artistes de renommée internationale, l’art populaire et les jeunes plasticiens orléanais pleins de promesses.

L’invitation d’artistes chinois n’est pas une première à la Collégiale. En effet, voilà 18 mois, les animateurs de la Société Littéraire et Artistique de l’Orléanais, pour leur biennale à la Collégiale, avaient invité les artistes de Suzhou. A cette occasion, nous avions pu découvrir ou redécouvrir la longue et solide tradition picturale du paysage chinois, soutenue activement par l’Etat et dispensée dans des écoles des Beaux Arts de la ville. Cette exposition avait rencontré un vif succès tout à fait mérité.

Aujourd’hui c’est à une découverte un peu différente que nous invitent la galerie Déclic et Nathalie Grenon. La découverte d’artistes contemporains qui ne bénéficient pas d’une reconnaissance officielle, et dont les œuvres font autant leu part à l’héritage pictural et historique chinois et qu’aux recherches esthétiques occidentales.

Nous avons tous entendu parler du site du tombeau du premier empereur chinois, Shih Huang Ti, découvert en 1974, qui s’était fait enterrer avec 7500 figurines de soldats en terre cuite. Les sculptures de femmes de Wu Weihe et Bai Congmin semblent répondre à ces 7 500 soldats. Elles disent toutes, anonymes et voilées, la domination des femmes dans la Chine traditionnelle. Des peintures rappellent aussi le sort fait traditionnellement aux femmes chinoises.

Mais les femmes chinoises sont aussi des héroïnes. Wu Weihe et Bai Congmin se sont d’ailleurs inspirés, pour certaines de leurs œuvres, d’un recueil de récits mi-légendaires, mi-historiques, narrant l’histoire de femmes qui forcèrent leur destin. Comme l’héroïne du film de Zhag Yimou, QIU JIU, une femme chinoise, elles se sont battues pour être écoutées et respectées. Le propos des deux artistes correspond à une critique du passé, de la société traditionnelle, mais il renvoie également à la situation des femmes dans la Chine contemporaine, où les petites filles sont toujours tuées à cause de l’obligation d’avoir un seul enfant.

Les œuvres de Wu Weihe et Bai Congmin cherchent aussi à concilier deux traditions picturales originales. L’utilisation de l’écriture dans leurs tableaux correspond à la tradition picturale chinoise. Les idéogrammes ne sont-ils pas des simplifications, des expressions stylisées de dessins ? De même, un certain nombre d’objets, de vêtements traditionnels chinois sont reproduits ou utilisés comme supports. L’utilisation du papier de riz, de certains matériaux, le recours aux couleurs est aussi code et langage, et les significations utilisées par Wu Weihe et Bai Congmin renvoient à des codes traditionnels.

Et pourtant, il existe une grande familiarité avec des œuvres d’artistes occidentaux. Le travail sur le cadre, l’utilisation d’objets intégrés aux peintures nous font penser à des artistes occidentaux, comme Kantor. Leur travail s’apparente souvent à des œuvres du courant expressionniste de la peinture occidentale.

Cette utilisation de l’écriture, cette référence à l’histoire, à des motifs iconographiques traditionnels me fait aussi penser au travail d’un artiste algérien exposé à deux reprises à la Collégiale, Choukri Mesli qui, à partir de la fin des années 1960, est allé explorer l’histoire (politique et culturelle) de son pays afin d’en faire une source d’inspiration artistique et un fondement de sa critique du régime en place en Algérie.

En effet, l’art, par sa capacité à proposer un autre regard sur notre monde, à dire tout en le masquant la dureté de certains régimes politiques ou l’inhumanité des dominations économiques, peut aussi nous proposer d’autres chemins vers une société plus respectueuse des individus.

Ce message, je n’en doute pas, les visiteurs de cette exposition, le percevront très bien. C’est pourquoi, je ne doute pas un instant que cette exposition rencontrera le grand succès qu’elle mérite auprès des visiteurs.

Je voudrais donc encore remercier pour cette belle exposition :
• Chantal de Jeager et la galerie Déclic ;
• Tung Wen Margue pour avoir été un médiateur essentiel ;
• M. Fatini de la Collégiale et M. Sylvain Ledru qui sont allés au Luxembourg chercher les œuvres de Wu Weihe et de Bai Congmin ;
• Nathalie Grenon qui a organisé et conçu cette exposition.

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