Une nouvelle loi est nécessaire

Jean-Pierre Sueur est l'auteur de la loi du 8 janvier 1993 qui, alors qu'il était Secrétaire d'État aux Collectivités locales, a mis fin au monopole de fait du secteur des pompes funèbres.


Dix ans après, une nouvelle loi est nécessaire, en particulier pour offrir une plus grande protection aux familles touchées par un décès. C'est l'objet d'une proposition de loi relative aux opérations funéraires, à la protection des familles à la suite d'un décès et à l'habilitation des opérations funéraires.

Les principales dispositions de la nouvelle proposition de loi

Le titre 1, relatif au règlement municipal des opérations funéraires, prévoit l’établissement obligatoire, dans les communes de plus de 10 000 habitants, de devis types par l’autorité municipale après consultation des professionnels exerçant sur le territoire de la commune, afin de garantir la nécessaire transparence quant aux prix. Il prévoit également les conditions dans lesquelles chaque opérateur funéraire habilité doit produire des devis correspondant à chacun de ces devis-types. Ces devis-types sont tenus à disposition de l’ensemble des habitants de la commune à la mairie.

Le titre 2 vise à renforcer les conditions de crédibilité professionnelle dans laquelle l’habilitation est délivrée aux opérateurs. Elle crée une commission départementale des opérations funéraires, qui doit statuer sur la délivrance, le renouvellement, le retrait ou la suspension de l’habilitation – prévue aux articles L2223-23, L2223-40 et L2223-43 du Code général des collectivités territoriales – des entreprises du secteur funéraire exerçant dans le département.

Le titre 3 contient plusieurs dispositions relatives au service public des opérations funéraires. Il confirme le caractère de service public communal du service extérieur des pompes funèbres. Il confirme, sauf exception, la neutralité des établissements de santé publics et privés en matière d’exercice d’opérations funéraires. Il précise les prérogatives du maire lorsque des autorisations administratives lui sont demandées par des opérateurs funéraires mandatés qui ne sont pas habilités. Il met en place un schéma départemental des équipements funéraires.

Le titre 4 traite du statut des restes humains, et notamment des cendres. Il précise que le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort de l’être humain, que les restes humains des personnes décédées, y compris les cendres des personnes dont le corps a été incinéré, doivent être respectés et protégés et qu’ils doivent faire l’objet d’une sépulture décente.

Le titre 5 est relatif à la formation des agents exerçant dans le domaine funéraire. Seule l’une des professions du domaine funéraire donne lieu à une formation et à un diplôme reconnus par l’Etat, celle de thanatopracteur. La proposition prévoit dans un délai de deux ans après sa promulgation, la création d’un diplôme national d’agent des pompes funèbres pour chacune des catégories d’agents mentionnées dans le règlement national des pompes funèbres.

Le titre 6 évoque la fiscalité attachée aux opérations funéraires.

Le titre 7 prévoit des dispositions permettant de sanctionner les promotions illicites de formules de financement à l’avance des obsèques et de garantir la possibilité pour le souscripteur ou le contractant d’une telle formule de financement de modifier, à tout moment, de la nature des obsèques, du mode de sépulture, du contenu des prestations et fournitures funéraires ainsi que de l’opérateur funéraire habilité désigné pour exécuter les obsèques, les changements effectués ne donnant droit à la perception que des seuls frais de gestion prévus par les conditions générales souscrites.

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Les évolutions du secteur funéraire depuis dix ans

1) L’évolution du nombre de décès. En 2002, la France a connu 550 000 décès. Le nombre annuel de décès prévisibles et de 600 000 à moyen terme.
2) La décentralisation de la mort. Depuis le début des années 70, un nombre accru de décès ont lieu en secteur médicalisé, soit à l’hôpital, soit en maison de retraite. C’est le cas aujourd’hui pour 70% des décès. Ce chiffre dépasse les 90% en région parisienne.
3) Le recours à la chambre funéraire. Le corps revient de moins en moins souvent au domicile. Près de 1 300 chambres funéraires ont été créées sur le territoire pour accueillir les corps jusqu’à l’inhumation ou la crémation. Cet équipement funéraire, voire aussi le cas échéant la morgue de l’hôpital, structure le marché funéraire local.
4) Le développement de la crémation. Le taux de crémation qui était en France de moins de 10% au moment de la promulgation de la loi du 8 janvier 1993 a dépassé les 20% en 2002. Dans les contrats obsèques actuellement souscrits, l’intention en faveur de la crémation dépasse les 40%.
5) La gestion des crématoriums. Plus de cent crématoriums sont en fonctionnement et plusieurs projets de création sont en cours. 30% des crématoriums sont gérés directement par une commune ou un groupement de communes et ce en régie ou par l’intermédiaire d’une société d’économie mixte locale, les 70% restant ont fait l’objet d’une délégation de service public à un opérateur privé habilité.
6) La destination des cendres. Les deux tiers des urnes remises aux familles à l’issue de la crémation ont une destination inconnue. On observe parallèlement que l’offre en matière d’équipements cinéraires, qui sont un monopole des communes, n’est pas adaptée, ni en quantité, ni en qualité.
7) Le nombre des opérateurs funéraires. La loi n° 86-29 du 8 janvier 1986 avait prévu une procédure d'agrément des opérateurs privés, dans ce cadre près de 9 000 opérateurs avaient été agréés. En application de la nouvelle procédure d'habilitation mise en place par la loi du 8 janvier 1993, 15 000 opérateurs ont été habilités dont près de 3 000 opérateurs publics.
8) Les chiffres du marché funéraire. Le coût moyen du convoi en 2002 hors prestation de marbrerie peut être évalué à 2 800 €. En 2002, le chiffre d'affaires des services funéraires a été de plus de 1,5 milliard d’euros ; celui de la marbrerie funéraire et des travaux de cimetière de l’ordre de 1,6 milliard d’euros. Il resterait à ajouter le montant des fleurs funéraires, que l’on peut estimer à 1,8 milliard d'euros environ (incluant les fleurs de la Toussaint).
9) La répartition de la réalisation des convois. En 2002, le groupe OGF-PFG a réalisé 25% des convois, le réseau des agréés du Vœu funéraire 33%, le secteur public 17%, le réseau des franchisés Leclerc 14%.
10) L’évolution de la prévoyance funéraire. En 2002, 90 500 contrats individuels ont été signés et 120 000 adhésions individuelles à un contrat groupe souscrites. Les nouveaux contrats ainsi signés et les primes échelonnées versées au titre des contrats antérieurement conclus, représentent, en 2002, plus de 500 millions d’euros collectés sur ces produits d’assurance-vie.
11) Le poids du tiers payant. Par tiers payant, il faut entendre l'ensemble des sommes qui résultent de la souscription, sa vie durant par le défunt, de divers produits d'assurance notamment proposés par les mutuelles, qui viennent en déduction du montant des obsèques. L'opérateur funéraire désigné se chargeant de récupérer directement ces sommes pour éviter à la famille d'en faire l'avance. Plus de 500 000 chèques sont perçus à ce titre chaque année.
12) La fiscalité du funéraire. Les prestations funéraires sont éligibles au taux réduit de TVA par l’Union européenne. Cette disposition (dont le coût serait de l’ordre de 110 millions d’euros par an) n’est pas mise en œuvre en France pour l’ensemble des prestations concernées.