C’est un livre rare, précieux. C’est un livre d’art – une œuvre d’art. Car son auteur, Frédéric Tachot, « typographe-pressier », est à la fois un artisan et un artiste. Il porte en lui toute la grandeur et la noblesse de la corporation des imprimeurs – ces imprimeurs qui, depuis Gutenberg, jouèrent un rôle considérable dans l’histoire intellectuelle, politique et sociale. Ils ont beaucoup œuvré pour donner à notre langue, le français, et à d’autres, la forme qu’elles ont. Ce livre conte leur histoire, mais aussi les mœurs, « mythes et symboles » de la profession, en cinq chapitres empruntant leurs titres au Pentateuque puisque l’histoire a retenu « la Bible comme le premier ouvrage imprimé en typographie en Occident. » Il y a une totale harmonie entre la forme de cet ouvrage – travail de typographie d’une singulière beauté – et ce qu’il narre, preuve s’il en fallait, que la sempiternelle distinction entre forme et fond n’a pas de pertinence. Les mots du métier sont expliqués, son histoire est restituée, non pas de manière froide et technique, mais avec passion : la passion du bel ouvrage. Et aussi la passion pour tous ceux, connus ou méconnus, qui en furent les acteurs. Sans oublier l’Orléanais Étienne Dolet qui « en marchand vers l’échafaud, se moquant encore une fois de la douleur, aurait lancé en ricanant : "Ce n’est pas Dolet qui souffre, mais la foule compatissante". »

Merci à Frédéric Tachot de m’avoir écrit qu’il avait façonné – dans tous les sens du terme – cet ouvrage « en souvenir de l’époque où le plomb des caractères donnait aux mots un poids certain. »

Jean-Pierre Sueur

PS. J’ajoute un mot pour conseiller vivement à tous ceux qui ne l’ont pas encore fait d’aller visiter l’« Atelier Musée de l’Imprimerie » (AMI) à Malesherbes. Ce remarquable musée qui présente de manière très vivante l’histoire de l’imprimerie et des médias de Gutenberg à nos jours, est unique en Europe. Merci encore à Jean-Paul et Chantal Maury sans lesquels il n’aurait pas vu le jour.