Le moins qu’on puisse dire est que le projet de loi sur la recherche, tel qu’il vient d’être adopté par la commission mixte paritaire (CMP) après une lecture dans chaque assemblée est très loin de répondre à l’attente des universitaires.
Je me bornerai à une disposition, introduite au Sénat et – hélas – maintenue par la CMP et qui ôte, dans les faits, tout pouvoir au Conseil national des universités (CNU) sur la reconnaissance et la validation des qualifications des enseignants-chercheurs en vue de leur nomination en qualité de maître de conférence et de professeur au sein des universités.
Cette disposition censée être une « expérimentation » pour quatre ans n’a jamais été présentée ni devant le CNU, ni devant le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, ni devant le Conseil d’État. Elle n’a donné lieu à aucune étude d’impact.
Elle a suscité l’opposition du CNU qui rassemble les représentants de toutes les disciplines universitaires et qui considère, à juste titre, que cette disposition met fin au « cadre national de recrutement des enseignants-chercheurs » et parle de « mépris » à l’égard de la « communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche. »
Ce qui est en cause, c’est la reconnaissance des qualifications, compétences, qualités à diriger les recherches par des pairs, en collégialité, au sein de chaque discipline.
C’est à partir des décisions du CNU et sur la base des compétences par lui reconnues qu’aujourd’hui les universités procèdent à leurs recrutements.
Supprimer, de fait, le CNU, c’est rompre avec une politique nationale de l’enseignement supérieur qui conduira à favoriser certaines universités au détriment de beaucoup d’autres, au mépris de toute cohérence nationale.
Je m’en tiens à cette unique disposition (il s’agit de l’article 3 bis) qui n’est pas la seule qui suscite l’inquiétude et l’opposition de nombreux universitaires.
Je précise que comme celle-ci a été adoptée par la CMP, elle le sera probablement par la majorité des deux assemblées et, au cas où la majorité du Sénat ferait de la résistance, ce dont je doute, par l’Assemblée Nationale en dernière lecture.
Le seul espoir sera un recours auprès du Conseil Constitutionnel.
Inutile d’ajouter que je signerai ce recours des deux mains !
Il en va d’une certaine idée de l’Université.

Jean-Pierre Sueur