Ils ne sont pas les seuls, c’est vrai. Mais les multiples témoignages que je reçois m’incitent à envoyer ici un cri d’alarme. Nos étudiants sont de plus en plus nombreux à aller mal, très mal. Certains n’ont pas eu de cours en « présentiel » (comme on dit) depuis de très longs mois. Ils étudient dans des conditions dégradées, passant leurs journées devant leur ordinateur. Ils souffrent à la fois d’isolement social et de fins de mois difficiles. Nombre d’entre eux se découragent et « décrochent » ou envisagent de le faire. Il est de plus en plus difficile pour eux de trouver des « jobs » pour financer leurs études, faute d’offre. André Viola, maître de conférences à Toulouse écrit : « Il faut attendre 25 ans pour que l’État daigne assurer un filet de solidarité via le RSA. On nous rétorque qu’il vaut mieux que les jeunes travaillent ! Certes, comme à tout âge, mais où est le travail actuellement ? » Et il conclut : « Ne sacrifions pas nos jeunes ! » J’ajoute que nombre d’étudiants vivent dans des conditions précaires, connaissent la malnutrition, et que les dépressions sont nombreuses. Et cela malgré les efforts des enseignants et des personnels trop peu nombreux : ainsi, le nombre d’assistantes sociales sur les campus est dérisoire.
Face à ces constats, nous sommes en droit de demander des réponses et des perspectives.
Alors que l’on voit nos concitoyens se presser dans les hypermarchés ou les transports en commun, on ne comprendrait pas que les cours et les travaux dirigés en « présentiel » restent si limités. Il est clair que l’on peut faire plus et mieux pour toutes les années universitaires (et non seulement la première) dans le respect des règles sanitaires et en gérant bien les jauges.
Il faut, d’autre part, un discours clair et des perspectives claires. Les étudiants sont, à juste titre, préoccupés par la nature et la valeur des diplômes qui leur seront décernés. Ils ne doivent pas être pénalisés.
Enfin, il faut aider financièrement et matériellement les étudiants qui vivent dans la précarité. Bruno Le Maire ne manque pas de trouver des milliards quand c’est nécessaire. Mais aucun investissement n’est plus précieux que les jeunes et les étudiants de notre pays qui doivent pouvoir vivre mieux cette période difficile. Il en va de l’avenir de notre pays.

Jean-Pierre Sueur