Que l’article 24 (devenu article 52) de la loi sécurité, tel qu’il a été adopté par la majorité du Sénat avec l’accord total du gouvernement, ait été déclaré inconstitutionnel n’est pas une surprise ! 
Avec bien d’autres, je l’ai dit et redit au Sénat lors de la séance publique du 18 mars dernier. 
Ce qui est choquant, c’est que l’on ait ainsi tenté de donner aux policiers et aux gendarmes des garanties illusoires. 
Comme l’a dit un responsable syndical de la police, il aurait été préférable de consulter des pénalistes – et, j’ajouterai, d’écouter simplement les parlementaires de l’opposition. 
Il n’est d’ailleurs pas anodin que le Premier ministre, qui devait avoir de sérieux doutes, ait lui-même saisi le Conseil constitutionnel. 
Il est clair que, tel qu’il est rédigé, cet article est contraire à la liberté de la presse et à la loi de 1881 sur la presse. La presse doit pouvoir couvrir les manifestations - et qui jugera du caractère « provocateur » de la publication d’une photo ? M. Darmanin s’est dit lui-même « horrifié » par certaines images : il a bien fallu, pour cela, qu’elles aient été filmées ! 
Il faut protéger les policiers et les gendarmes contre les menaces odieuses dont ils sont l’objet, ainsi que leurs familles et les prémunir contre les actes criminels qui suscitent une juste et tellement légitime indignation. 
Mais pour cela, je demande - comme je l’ai fait au Senat – qu’on applique strictement les textes existants, et qui sont nombreux : les articles 226-1, 222-33-2, 222-3-2-2, 222-17, 222-7, 226-8 du Code pénal, la loi de 1978 sur la CNIL et les articles 24 et 39 de la loi de 1881.
Le respect que nous devons à nos policiers et à nos gendarmes exige de vraies protections et non des rédactions illusoires comme celles qui viennent d’être annulées, ainsi que c’était prévisible, par le Conseil constitutionnel, et n’ont donc aucun effet.
Jean-Pierre Sueur