dictatureDans le livre qu’il vient de publier aux éditions Fayard, Gilles Finchelstein analyse avec beaucoup de brio notre rapport au temps.
Le temps s’accélère. Tout va plus vite. Toujours plus vite. C’est l’époque des « fastfood», des « collections de prêt-à-porter qui se succèdent à un rythme effréné », des films qui ne restent à l’affiche que quelques jours ou semaines, des informations qui doivent arriver à la vitesse de l’éclair, des TGV, des services d’urgence qui deviennent « le mode d’entrée normal à l’hôpital », de la circulation monétaire au rythme de l’éclair et au risque de crises majeures. On parle plus vite à la radio. Et même les lois – je puis en témoigner ! – sont de plus en plus souvent examinées selon la procédure d’urgence, rebaptisée, depuis 2008, « procédure accélérée », ce qui ne change rien à l’affaire.
Chaque fois qu’un fait divers frappe l’opinion, le président exige une loi dans les meilleurs délais possibles. Comme s’il suffisait d’une loi pour régler les problèmes – alors qu’il faut de la volonté, de la ténacité… et des moyens !
Le livre de Gilles Finchelstein fourmille de constats. De la vie personnelle à la vie professionnelle en passant par la vie politique et sociale, l’urgence est partout.
Mais l’intérêt du livre va au-delà du constat. Gilles Finchelstein propose explications et remèdes – qui renvoient à la politique.
La politique perd son sens, elle se perd elle-même, dans le court terme, le culte de l’apparence et de l’immédiateté.
Elle n’a de sens que si elle s’intéresse au passé. Le règne du temps court est tout autant le refus de voir le passé que de penser à l’avenir.
Elle n’a de sens que si elle prépare l’avenir, celui des générations futures, de celles qui ne peuvent pas s’exprimer mais qui recevront nos œuvres – constructions et destructions – en héritage.
Repenser l’économie, l’éducation, préparer les villes du futur, aménager les territoires, protéger l’environnement – tout cela demande que l’on prenne à nouveau en compte les temps longs, qu’au-delà du diktat de « l’annualité budgétaire », on programme l’action politique pour cinq, dix ou vingt ans, qu’on ouvre des perspectives – en un mot que l’on rompe avec l’oppressante dictature du présent et des temps courts, qui ressemble assez, en fin de compte, au divertissement pascalien.
Le grand succès du film Des hommes et des dieux s’explique sans doute parce que, au-delà de la force d’âme de ces moines au destin tragique, il nous réconcilie avec un autre rapport au temps – avec un temps qui retrouve son sens.
On l’aura compris : je recommande chaleureusement la lecture du livre de Gilles Finchelstein.
Jean-Pierre Sueur
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