Que les sondages marquent une progression de Marine Le Pen est une évidence. Et il est tout aussi évident que le fait que Nicolas Sarkozy fasse depuis des mois ses interventions politiques sur le terrain du Front National ne profite qu'à ce dernier. On voit aujourd'hui que ce choix de Nicolas Sarkozy est grave et dangereux.

Sur le plan technique, j'ajoute que les chiffres annoncés dans le sondage publié par Le Parisien de ce dimanche sont très contestables. Tout d'abord, il est écrit en petits caractères dans ce journal page 2, qu'il s'agit d'un sondage en ligne fait auprès d'un échantillon d'individus issus d'un échantillon représentatif. Je ne sais pas ce que c'est qu'un échantillon issu d'un échantillon représentatif. Comment a-t-il été sélectionné au sein du premier échantillon ? On n'en sait strictement rien. En second lieu, l'organisme qui a réalisé ce sondage ne donne aucune marge d'erreur. Or la marge d'erreur se situe entre plus ou moins 2 et plus ou moins 3. Cette marge d'erreur est donc supérieure à l'écart entre les trois présumés candidats qui arrivent en tête. Ce qui signifie qu'on ne peut rien en conclure quant à l'ordre dans lequel arriveraient les présumés candidats puisque pour chacun d'entre eux, on peut au mieux présumer une fourchette allant de 4 à 6 points. En troisième lieu, on ne connaît pas les redressements auxquels ont donné lieu les chiffres relatifs à la candidate du Front National et autres personnes "mesurées". Quels chiffres bruts ? Quels redressements ? En fonction de quels critères ? On l'ignore. Or c'est important pour interpréter le sondage. De même, il serait important de connaître les taux de non-réponse. Il est enfin évident qu'il n'y a aucun sens à parler d'intention de vote à 14 mois d'un scrutin.

Je conclus. Est-il raisonnable de continuer à vivre, d'ici les présidentielles, 14 mois avec trois sondages par jour et vingt par semaine sans que ceux-ci soient réalisés et diffusés avec la rigueur que requiert la démarche scientifique dont les instituts de sondage se réclament ? Avec mon collègue sénateur Hugues Portelli, nous avons fait une proposition de loi permettant d'aller vers l'indispensable rigueur et la nécessaire transparence qu'appellent cette prolifération de sondages. Celle-ci a été adoptée à l'unanimité par le Sénat. Il est maintenant urgent qu'elle le soit par l'Assemblée Nationale. Qui osera dire aujourd'hui que cette proposition de loi n'est ni nécessaire ni opportune ?

Jean-Pierre Sueur

.