Je connais depuis longtemps la ténacité de Michel Brard. Je garde vivant le souvenir de l’action opiniâtre qui fut la sienne durant les douze années au cours desquelles il fut adjoint au maire d’Orléans chargé des personnes handicapées, et, plus spécialement, des trente ou quarante réunions qu’il organisa avec toutes les associations concernées pour que la première ligne du tramway fût effectivement accessible. Il ne s’agissait pas de vœux pieux ou de déclarations générales. Non ! Il fallait que le matériel roulant, que chaque arrêt, chaque aménagement fussent authentiquement, effectivement accessibles. Ce fut un grand et beau travail, mené centimètre par centimètre.
Devenu président pour le Centre-Val de Loire de la fédération des aveugles et amblyopes de France, Michel Brard s’est engagé dans un nouveau combat : la création d’une Maison de la déficience visuelle ET de l’autonomie – les deux termes sont importants, ils vont de pair –, au 7 rue Antigna – qui fut inauguré ce vendredi 2 juin. Pour mettre en œuvre ce projet ambitieux et unique en France, Michel sut, une fois encore, fédérer les énergies associatives et convaincre les collectivités locales – ville d’Orléans, département du Loiret, région Centre-Val de Loire – qui, dans leur diversité, ont su s’unir et s’engager dans ce projet.

Ce projet, c’est une véritable plateforme de services, pleinement accessible, située près de la station de tramway Louis-Braille – sans doute était-ce prémonitoire ! – apportant tous les concours nécessaires aux personnes atteintes de déficience visuelle, dans les domaines de la santé, de la psychologie, de l’insertion et de la vie sociale. Les différentes activités sont conçues par rapport à la réalité d’aujourd’hui, celle d’un monde où le numérique a pris une grande place, pour ne prendre que cet exemple et où il faut – c’est possible ! – trouver les moyens de permettre l’accessibilité de toutes et de tous, y compris les personnes atteintes de déficience visuelle, à cet univers numérique.
Ainsi, c’est toute une gamme de services et de prestations qui sont offertes par les seize salariés de cette Maison à dimension régionale.
Écoutant les « usagers » de ce nouvel équipement, on mesure combien l’accomplissement des démarches administratives peut être difficile. Chacun sait que c’est loin d’être facile pour ceux qui ne souffrent pas de déficience visuelle et ce doit être l’occasion de mesurer combien c’est pour les personnes atteintes de handicap un vrai « parcours du combattant ».
D’ailleurs, l’inauguration de vendredi a permis de mesurer – exemples et expériences à l’appui – combien les gestes simples de la vie quotidienne pouvaient devenir très problématiques pour des personnes souffrant de déficience visuelle.
J’en conclus que cette nouvelle « maison » sera précieuse pour tous. Il est en effet essentiel que chacune et chacun puisse, dans notre société, se mettre à la place des personnes en situation de handicap. Penser la vie sociale, mais aussi l’urbanisme, en prenant pleinement en compte les difficultés qu’elles rencontrent, c’est tout simplement œuvrer pour une société plus humaine et pour donner tout son sens à ce beau mot de « citoyenneté ».
J’en reviens au tramway. Qu’il soit accessible aux personnes à mobilité réduite, c’est bien pour elles. Mais c’était aussi bien pour tous les usagers, comme on s’en rend compte chaque jour.
Jean-Pierre Sueur