Durant la récente campagne pour les élections sénatoriales, pour employer le verbe de circonstance.
Je leur ai invariablement répondu que je ne savais pas quand l’alternance aurait lieu au Sénat, mais que cette alternance aurait inévitablement lieu, que c’était une bonne chose et même une nécessité.
Je demandais à mes interlocuteurs : « Savez-vous depuis quand il n’y a pas eu d’alternance au Sénat ? ». Et quand ils l’ignoraient, je leur rappelais qu’il n’y avait pas eu d’alternance au Sénat depuis 53 ans !
53 ans de la même majorité : voila qui est bien long. Aussi était-il difficile de soutenir que l’heure de l’alternance devait encore attendre.
L’alternance, c’est la respiration de la démocratie.
Depuis trente ans, nous avons connu plusieurs alternances à l’Assemblée Nationale. Tout le monde a trouvé cela naturel.
C’est désormais devenu naturel au Sénat aussi. Et c’est un grand progrès pour la démocratie.
J’ai donc vécu ce samedi la première séance de ce nouveau Sénat et l’élection, à une nette majorité, de Jean-Pierre Bel à sa présidence.
Ce qui m’a frappé dans cette journée, c’est le fait que cet événement historique –l’alternance au Sénat - se soit déroulé dans une grande sérénité et une grande simplicité.
Pas de fausse note durant cette séance. Un grand calme, presque exceptionnel, comme si chacun savait que l’alternance était finalement dans l’ordre des choses et que le fait qu’elle fût si longtemps différée par les effets du mode de scrutin était bien une « anomalie », comme l’avait dit Lionel Jospin, une anomalie à laquelle il était salutaire de mettre un terme.
J’ai félicité Jean-Pierre Bel pour avoir voulu que sa « prise de fonction » fût simple, modeste, naturelle.
Le Sénat est hébergé dans un bâtiment historique, propriété de la Nation. Lorsque je reçois des visiteurs, je leur explique que c’est d’abord un lieu de travail. Il ne faut pas se méprendre. Notre vie quotidienne est faite de travail et non de contemplation des « ors de la République ».
Nos concitoyens attendent de la nouvelle majorité de gauche au Sénat de la simplicité, de la clarté. Ils attendent de l’écoute et des propositions. L’ère de la politique hautaine et orgueilleuse, l’ère du « bling-bling » doit être révolue.
La nouvelle majorité du Sénat est courte. Ses membres devront être présents et actifs afin que l’alternance porte tous ses fruits.
Je termine avec une remarque sur le mode de scrutin.
En 2003, le gouvernement Raffarin crut bon, pour la pérennité de l’ancienne majorité du Sénat, de revenir au scrutin majoritaire dans les départements élisant trois sénateurs, pariant sur le fait que, dans ces départements, les sénateurs de gauche élus à la proportionnelle en 2001 ne le seraient pas en 2011 au scrutin majoritaire.
C’est le contraire qui s’est produit. Et c’est – comme l’a fait observer Gérard Larcher – dans les départements où le scrutin majoritaire était en vigueur que la nouvelle majorité est devenue majorité.
Eternelle leçon : il est toujours risqué de changer un mode de scrutin à des fins partisanes. Les électeurs – et les grands électeurs – votent toujours comme ils veulent.
Revenons à l’essentiel. Ce fut une belle journée pour la République. A nous de tout faire pour que la nouvelle majorité du Sénat soit à la hauteur des lourds enjeux du temps présent et des attentes des Français.
Jean-Pierre Sueur
.