Ce fut une très belle victoire, au terme d’un parcours sans faute. Durant des mois, François Hollande a pleinement maîtrisé sa campagne électorale. Il a refusé l’invective, l’injure, les polémiques outrancières. Sa simplicité a imposé le respect. Il n’a jamais confondu, et ne confondra pas, la nécessaire autorité avec l’inutile arrogance.
Cette victoire en rappelle, bien sûr, une autre, il y a 31 ans. François Mitterrand a un successeur. C’est une autre victoire. L’alternance est désormais bien inscrite dans notre vie démocratique. L’alternance est indispensable : elle est la respiration même de la démocratie.
Ce fut une belle soirée pour notre République. François Hollande, rayonnant, semblait à Tulle puis à la Bastille être encore en campagne. On avait le sentiment qu’il ne pouvait ni ne voulait mettre un terme à cette période de contact quotidien avec les Français qui fit la force de sa campagne. Nicolas Sarkozy sut trouver les mots qu’il fallait : son discours fut étrangement le plus présidentiel et le plus rassembleur que tous ceux qu’il fit.
On connaît la formule rituelle : maintenant, les difficultés commencent ! Chacun sait qu’il ne sera pas facile de présider ni de gouverner la France en cette période de crise où le chômage, la dette et les déficits sont lourds et pèsent lourd.
Les priorités sont claires : l’emploi et la croissance d’abord. Ces premières priorités valent pour la France comme pour l’Europe. Le vote des Français était très attendu dans tous les pays d’Europe. Chacun savait que l’enjeu était une réorientation – déjà annoncée avant que le résultat du vote fût connu – de l’Europe qui devrait inscrire la croissance et l’emploi comme premières priorités, même si cela ne la dispense pas – tout au contraire – de veiller aux nécessaires équilibres.
Autre priorité : la justice. Les Français ne sont pas, comme on l’a trop dit, hostiles aux réformes. Mais ils veulent que les réformes soient justes. Et qu’elles soient clairement expliquées et justifiées par rapport aux objectifs que sont la justice, la croissance et l’emploi.
Enfin, François Hollande a beaucoup parlé de la jeunesse. Les jeunes veulent des emplois, et d’abord une formation solide. La formation, l’université, la recherche sont des clés pour les emplois de demain et d’après-demain. Tout se tient.
Deux mots encore : l’un sur le Loiret, l’autre sur les législatives.
Dans le Loiret, le résultat de la Ville d’Orléans frappe d’abord, puisque François Hollande y a obtenu 54,4% contre 45,6% pour Nicolas Sarkozy. Même si l’on retrouve ce phénomène dans toutes les grandes villes (à l’exception de Nice) et même s’il faut toujours se garder de « plaquer » le résultat d’une élection sur une autre, d’une autre nature, c’est un beau succès qui témoigne d’une évolution politique maintenant bien ancrée dans la réalité de notre capitale régionale. Chacun comprendra que j’en sois heureux !
Le résultat du département contraste avec celui d’Orléans et d’autres villes du Loiret (comme Pithiviers, Saint Jean de la Ruelle, Saint Jean de Braye, Fleury les Aubrais, Saran et Châlette sur Loing), puisqu’avec 54% pour Nicolas Sarkozy contre 46% pour François Hollande, le Loiret figure parmi les 15 départements les plus marqués à droite de France. Il y a assurément un vote des villes et un vote des moyennes et petites communes du monde rural.
Pour connaître, assez bien je crois, les petites et moyennes communes du Loiret, et y être profondément attaché,  il y a là pour moi un vrai sujet de réflexion. Je connais les inquiétudes que suscite dans le monde rural la disparition ou la réduction de services publics tellement nécessaires et la désertification médicale. Je mesure aussi l’angoisse de nombre d’agriculteurs quant à l’avenir. Il y a là des réalités que François Hollande, devenu président de tous les Français, et son gouvernement, devront pleinement prendre en compte.
Enfin, les législatives. Avec mes amis, nous avons beaucoup dit qu’il serait incompréhensible que notre département qui se proclame « terre d’équilibre » garde demain une représentation parlementaire aussi déséquilibrée… puisque sur huit parlementaires aujourd’hui (cinq députés et trois sénateurs), je suis le seul appartenant à la gauche. Il y aura demain six députés (et donc neuf parlementaires). J’espère de tout cœur que notre représentation au Parlement (Assemblée et Sénat) sera, pour le moins, plus équilibrée et plus diversifiée…
J’ajoute qu’il est conforme à l’esprit de la Cinquième République que dès lors que les Français ont choisi un président de la République, ils lui donnent à l’Assemblée Nationale la majorité qui lui sera nécessaire pour assumer sa mission. C’est ce qu’on a toujours constaté par le passé. Il ne serait pas bon pour la France de s’engager dans cinq ans de cohabitation.

C’est donc avec confiance et espérance que j’aborde cette nouvelle étape de l’histoire de notre pays.

Jean-Pierre Sueur

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