Le 50e anniversaire d’Orléans-La-Source est, une fois de plus, l’occasion de réfléchir à l’évolution des villes, sujet trop absent de nos débats politiques. Il est vrai que le temps des villes est long, incommensurablement long, par rapport à celui des mandats politiques. Mais ce n’est pas une raison pour s’en désintéresser. Le temps de la ville, c’est celui de la politique à long terme, car les décisions prises aujourd’hui auront des effets dans cinquante ans, cent ans, et davantage encore. Les êtres humains qui ne sont pas encore nés vivront les conséquences, bonnes ou moins bonnes, de nos choix d’aujourd’hui.
Ainsi en est-il pour La Source.
Il y a cinquante ans, les promoteurs de ce nouveau quartier, et tout particulièrement Roger Secrétain et Gérald Antoine, ont fait preuve d’une formidable ambition. Comme ils croyaient à Orléans et à son développement, ils ont conçu l’idée de la re-création de l’université d’Orléans et d’une ville nouvelle  - un Orléans n° 2 - à douze kilomètres de la ville historique d’Orléans.
Ce choix était en parfaite cohérence avec ce qui apparaissait, à l’époque, comme allant à l’évidence dans le sens du progrès : un campus universitaire loin de la ville ; une « ville nouvelle », faite de rien, totalement neuve, ne s’appuyant sur aucun bâti existant (à l’exception d’un château) ; un campus lui-même distinct de la ville nouvelle, séparé d’elle ; de très larges avenues pour les automobiles ; une très vaste dalle pour les piétons ; des bâtiments d’un côté, des pavillons de l’autre ; des logements sociaux d’un côté, des logements dits résidentiels de l’autre.
Cinquante ans après, beaucoup de ces choix peuvent apparaître critiquables. On ne fait plus de villes nouvelles mais on cherche à développer les villes existantes en y créant de nouvelles centralités, des coupures vertes et des transports modernes. On ne fait plus de campus mais on cherche à installer les universités dans le cœur des villes. On se défie du tout-automobile. On redécouvre l’urbanité avec des rues étroites et animées. On recherche la mixité sociale, la mixité de l’habitat et la pluralité des fonctions au sein des mêmes espaces urbains : habitat, emploi, formations, commerces, loisirs, sports, etc.
Faut-il pour autant condamner La Source ? Pas du tout. Tout au contraire. J’ai dit et je redis que j’aime La Source, où je vis depuis 39 ans.
Pourquoi ?
D’abord, parce que si Roger Secrétain et Gérald Antoine n’avaient pas mené à bien ce projet - avec les architectes Louis Arretche et Olivier-Clément Cacoub - Orléans n’aurait jamais été la capitale de la région Centre.
En second lieu, la création de La Source a amené un dynamisme considérable en terme d’emplois : Chèques Postaux, service public, entreprises, laboratoires de recherche. On oublie trop souvent de dire qu’Orléans est l’un des principaux pôles scientifiques français avec son université, ses facultés, son école d’ingénieurs, vingt laboratoires propres du CNRS, le BRGM qui est l’un des plus grands organismes mondiaux de recherche géologique et minière, l’INRA, etc.
En troisième lieu, au fil du temps, les élus ont pris « à bras le corps » les problèmes et les ruptures dont nous héritions pour apporter des réponses. Ainsi, le projet « banlieue 89 », mené avec Jean-Pierre Delport, eut-il pour objectif de rapprocher le campus universitaire de la ville nouvelle. Ainsi, le tramway a-t-il rapproché La Source du centre-ville - cependant que La Source, le centre-ville, les quartiers d’Orléans et les villes de l’agglomération apparaissent toujours plus comme une seule entité continue avec des pôles urbains reliés les uns aux autres.
Enfin, malgré ses défauts, La Source est un quartier où l’on vit bien ensemble, où la vie associative est riche, où les 72 nationalités présentes - et que l’on présente trop souvent comme un « problème » - sont en réalité une chance et un atout car elles favorisent l’ouverture au monde, les rencontres et le partage.
Je ne méconnais aucune des difficultés d’aujourd’hui. Et d’abord celles liées au chômage, et en particulier au chômage de trop nombreux jeunes sourciens.
Il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine, comme dans bien d’autres. Mais La Source, fruit des ambitions et des erreurs d’hier - indissolublement liées - reste un défi, un challenge, un quartier à faire, à refaire, à repenser, à réussir.
Finissons par une question. Peut-être que certains des choix urbains, sociaux, politiques que nous faisons aujourd’hui   et qui paraissent s’imposer à tous aujourd’hui avec la force d’évidence   seront-ils contestés dans 50 ans ?
Cela doit rendre attentifs, ambitieux et modestes - trois qualités complémentaires !
Jean-Pierre Sueur
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