Ces deux jours passés en Tunisie en délégation officielle avec le président du Sénat, le président de la République, Moncef Marzouki, le Premier ministre, Hamadi Jebali, le président de l’Assemblée nationale constituante, Mustapha Ben Jaafar, des responsables de la « société civile », des universitaires, la communauté française, etc. C’est beaucoup… et c’est aussi, bien sûr, trop court pour faire des analyses définitives. Quelques remarques et observations cependant.

• D’abord, comment ne pas être frappé par ces quatre jours de manifestations et d’affrontements avec la police, à Slimana, dans le centre du pays avant que l’armée – bien accueillie par la population - n’arrive sur place. Cela nous rappelle que la révolution est venue du centre et du sud de la Tunisie. Il n’y a pas loin de Slimana à Sidi Bouzid.
C’est, indissociablement, une révolution pour la liberté et pour la justice, et donc contre les inégalités sociales et géographiques qui touchent en particulier les régions du centre et du sud, et d’abord, dans ces régions, de nombreux chômeurs, souvent diplômés.
Le président de la République nous a dit être très préoccupé par cet état de choses. Il mesure la distance entre les attentes et les actes. Il sait qu’on ne peut pas tout changer en quelques mois, de surcroît en période de crise. Mais il a le souci de l’efficacité. Il vient de souhaiter la formation d‘un gouvernement restreint de « compétences ». Comme le remarque Isabelle Mandraud dans  Le Monde, cela rejoint les positions de Béji Caïd Essebsi, leader du parti d’opposition  qui monte aujourd’hui en Tunisie, Nida Tounès.

• Nous sommes allés à Menzel Bourguiba, près de Bizerte, visiter des ateliers de formation professionnelle et d’insertion ainsi que des chantiers d’aménagement urbain financés notamment par la France.a
L’ambassadeur de France, François Gouyette, et ses collaborateurs - qui ont tout fait pour faciliter nos contacts – veillent particulièrement à ce que l’aide apportée par la France soit attribuée à toutes les régions du pays. C’est important dans le contexte que je viens de rappeler.

• Nous avons eu de longues discussions avec les représentants à l’Assemblée constituante des différents partis et notamment des trois – dont Ennahdha -  qui sont représentés au sein du gouvernement. Une première remarque : la lutte contre la dictature, les années de résistance et, pour beaucoup, de longues années de prison, expliquent des coopérations, des rassemblements, des fraternités que l’on ne peut pas comprendre si l’on ignore cette réalité fondamentale – et fondatrice.
Seconde remarque : les débats très vifs sur le préambule de la Constitution ont permis d’éviter l’inscription dans le texte de la charia, ou encore de la « complémentarité » - plutôt que l’égalité – entre hommes et femmes. Ce sont des points positifs – avec d’autres. Les débats portent aujourd’hui sur l’instance qui préparera et organisera les futures élections. Intense débat ! Ici, comme partout, la forme, la procédure et les dates sont des enjeux de pouvoir - indissociables du débat de fond.

• Notre rencontre avec les universitaires fut riche et chaleureuse. Les libertés universitaires doivent être toujours et partout défendues. Je redis mon soutien au courageux doyen de la faculté de lettres de Tunis, Habib Kazdaghli.

• Je n’avais jamais visité le nouveau musée du Bardo. Nulle part mieux qu’en ses murs on mesure combien la Tunisie est, par toute son histoire, par sa géographie, par sa culture, une terre de rencontre et de dialogue. C’est pour cette raison que les évolutions que la Tunisie connaîtra au cours des prochains mois et des prochaines années seront décisives pour ce pays, mais aussi bien au-delà.

Jean-Pierre Sueur
>> Voir le compte-rendu (et les photos) du déplacement de Jean-Pierre Bel et Jean-Pierre Sueur sur le site de l’Ambassade de France en Tunisie.

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