thiersJe signale l’article très éclairant d’Éric Thiers paru dans le dernier numéro de la revue Mil neuf cent consacré au thème de l’« Âge d’or », analyse les rapports de Péguy à l’histoire et au temps.
Éric Thiers rappelle que, fortement inspiré par Henri Bergson, Péguy considère, dans Clio, que « les durées des peuples et la durée du monde, durées réelles, ne connaissent pas un écoulement homogène ». Le temps n’est donc pas pour lui « une élévation continue ». Une bonne partie de son œuvre est une réflexion sur le progrès par laquelle il s’emploie, pour reprendre les termes d’Emmanuel Mounier, à « échapper au préjugé du progrès nécessaire, ce dogmatisme de l’avenir ».
Éric Thiers nous montre ainsi que « la dégradation du dreyfusisme est la grande histoire de sa vie ». Ce sera le thème de Notre Jeunesse.
Il revient aussi sur le culte du progrès qui caractérise pour Péguy le « monde moderne » au mépris de la vérité historique – un monde moderne profondément marqué par « la domination absolue de l’argent ».
Enfin, l’article d’Éric Thiers revient sur les utopies de Péguy et notamment l’un de ses premiers textes, Marcel. Premier dialogue sur la cité harmonieuse auquel il montre que répond le dernier livre publié de son vivant par Charles Péguy, Ève, citant l’analyse de Pie Duployé : « La cité harmonieuse, c’est la réplique laïcisée de la vie édénique et une anticipation de la vie paradisiaque. Ève c’est l’évocation d’une "création naissante et sans mémoire""les jours de bonheur étaient comme un seul jour" (…) La Cité harmonieuse est-elle une anticipation de la cité céleste ou faut-il considérer le paradis de Péguy comme l’accomplissement de la cité harmonieuse ? (…) Au plan symbolique où nous sommes placés, peu importe. Il y a une permanence des symboles. »

Jean-Pierre Sueur

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