C’était il y a plus de vingt ans… Alors que, secrétaire d’État, je parlais déjà de devis type pour assurer une meilleure transparence du prix des obsèques, ce projet était déjà combattu par un certain nombre d’entrepreneurs funéraires, qui n’ont cessé depuis de ressasser les mêmes arguments.
Comme je suis enfin parvenu, non sans ténacité et après bien des péripéties, à ce que des devis modèle déposés en mairie fussent enfin inscrits dans une loi promulguée le 16 janvier 2015, les oppositions redoublent, comme en témoignent les citations incluses dans un article de Rafaële Rivais paru dans Le Monde du 31 octobre.
À vrai dire, cela ne m’étonne pas. Je n’en attendais pas moins.
Alors je répondrai, une fois encore, à mes interlocuteurs.
Je leur dirai d’abord qu’on ne peut pas juger de la mise en œuvre d’une loi quelques mois seulement après sa promulgation. Il faut que cette loi soit mieux connue des professionnels comme des mairies. Le ministère de l’Intérieur et le préfet doivent y contribuer.
Je leur dirai, en second lieu, que la profession funéraire a tout à gagner à jouer pleinement la carte de la transparence quant aux prix. Cette transparence est nécessaire pour les familles endeuillées et donc vulnérables.
Les professionnels qui s’opposent au texte diront qu’ils sont d’ores et déjà tenus de fournir des devis.
Je leur répondrai – ils le savent – que les familles endeuillées doivent prendre, au moment où elles sont éprouvées, des décisions importantes en moins de vingt-quatre heures. Et nul n’ira, dans ces conditions, lire au siège des cinq ou six entreprises de la commune, des devis de cinquante pages écrits en petits caractères, et incomparables entre eux.
C’est pourquoi il est nécessaire, pour qu’il y ait transparence quant aux prix, que les devis soient accessibles et comparables.
Pour qu’ils soient accessibles, il suffit qu’on puisse les consulter, comme l’a expressément prévu la loi, auprès des maires des communes de plus de 5 000 habitants. Mais pour répondre aux remarques infondées de certaines communes rapportées dans l’article précité, le plus simple est que la commune rende ces devis modèle accessibles par le moyen de son site Internet, ce que la loi permet. Ainsi chaque famille pourra facilement et simplement y avoir accès.
Pour qu’ils soient comparables, il faut que ces devis soient écrits sur le même modèle, afin que l’on compare des prestations précisément définies. C’est pourquoi le ministère de l’Intérieur a défini ces prestations par un arrêté qui est public et que chacun peut consulter.
Là-dessus, certains professionnels font valoir qu’ils proposent bien d’autres prestations et s’efforcent de mettre en œuvre des obsèques « personnalisées ». Je n’en disconviens pas et personne n’en disconvient.
Le devis modèle permet d’indiquer à quel prix chaque entreprise s’engage à effectuer chaque année l’ensemble des prestations mentionnées dans l’arrêté – ces prestations étant obligatoires ou nécessaires.
Mais rien n’empêche les entreprises de présenter ou de proposer toute autre prestation complémentaire, supplémentaire ou facultative et de le faire savoir.
On pourrait peut-être améliorer le dispositif, selon une suggestion de Rafaële Rivais, en incitant les communes à présenter les devis modèle sous la forme d’un tableau, ce qui favorisera la comparaison. La loi n’empêche nullement de le faire.
On me rétorque enfin que le prix n’est pas le seul critère de choix qui entre en ligne de compte quand une famille choisit une entreprise pour procéder à des obsèques. C’est tout à fait vrai. Mais c’est une raison de plus pour être très clair quant aux prix proposés et pratiqués.
Je le redis. Je ne défends qu’un seul « lobby » – si je puis dire ! – dans cette affaire. Je défends les familles endeuillées, éprouvées et vulnérables auxquelles nous devons le respect et aussi la transparence pour ce qui est des prix.

Jean-Pierre Sueur

>> Lire l’article de Rafaële Rivais