Le premier tour des élections législatives a donné lieu à une très forte mobilisation des électeurs qui ont confirmé et renforcé leur vote des présidentielles.

C’est une vague, comme il y en eut plusieurs depuis le début de la Cinquième République – j’y reviendrai ci-dessous – et, dans ces cas, la vague emporte tout et ne prend pas en compte le travail effectivement accompli par les députés sortants qui se représentent.

C’est, en particulier, le cas dans le Loiret pour mon amie Valérie Corre, députée travailleuse, active à l’Assemblée Nationale, qui a assumé son mandat avec sérieux et conviction, dans la proximité avec nos concitoyens et avec le souci constant de renouveler les pratiques politiques.

C’est pourquoi je regrette très vivement qu’elle ne puisse – dans l’immédiat – poursuivre sa tâche.

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Pour le second tour des élections législatives dans le Loiret, j’appelle à voter pour les candidats appartenant au mouvement « La République en Marche ».

En effet, je partage nombre de leurs positions. Emmanuel Macron a dit et redit qu’il voulait mener une action « progressiste ». Je partage cet objectif.

Ces candidats du mouvement « La République en Marche » sont opposés à des candidats appartenant au parti « Les Républicains » (LR) auquel je me suis moi-même toujours opposé.

Ma position est donc logique. Elle s’inscrit dans la continuité des choix politiques que j’ai toujours faits et dans la fidélité à mes convictions.

J’ajoute que, pour autant, je respecte les personnes. La politique, pour moi, n’est pas la guerre. Et on se doit de respecter ses adversaires politiques. Et même de travailler avec eux, lorsque c’est nécessaire – nous l’avons souvent fait – pour défendre des intérêts majeurs du Loiret et de ses habitants.

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On me permettra de présenter, en outre, une analyse plus générale du résultat du premier tour et de ses conséquences.

Une fois encore, les réflexes liés à près de soixante ans de pratique de la Cinquième République ont pleinement « fonctionné ».

À la suite de l’élection d’un nouveau président de la République, les électeurs se sont d’abord préoccupés de donner à ce président la majorité parlementaire qui lui permettra de mettre en œuvre la politique qu’il a annoncée.

Les uns et les autres – à droite comme à gauche – auraient mauvaise grâce d’en faire grief (comme certains l’ont déjà fait), car ce dispositif et ce « réflexe » ont plusieurs fois profité à la droite, en 1958 et 1993, et à la gauche, en 1981 et 2012 – pour se limiter à ces seuls exemples.

Cette logique – qui est strictement celle de la Cinquième République – apporte la stabilité, la clarté et la cohérence.

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Cela fait cependant des années que, pour ma part, je préconise une autre logique, celle qui dissocierait les élections présidentielle et législative – ce qui est le contraire de ce qu’a décidé Lionel Jospin lorsqu’il a choisi de faire des législatives la conséquence immédiate de la présidentielle.

Pour moi, cette autre logique devrait aller de pair avec l’instauration (ou le retour) de la représentation proportionnelle départementale.

On me rétorque parfois que l’on reviendrait, ce faisant, à l’instabilité chronique de la Quatrième République.

Je récuse cet argument, pour la simple raison qu’il n’y avait pas, sous la Quatrième République, un président de la République élu au suffrage universel direct, disposant de prérogatives fortes durant tout l’exercice de son mandat.

En revanche, le dispositif que je propose – et je ne suis pas le seul ! – donnerait au Parlement une autonomie à l’égard du pouvoir exécutif qui n’existe pas dans les cas de majorités très massives comme celle qui se dessine pour dimanche prochain.

Elle serait plus conforme à la « séparation des pouvoirs » telle que Montesquieu l’a définie.

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Un homme avait perçu les inconvénients de ces « majorités massives ».

C’était François Mitterrand, qui n’a pas hésité à instaurer la proportionnelle départementale en 1986, en dépit des objections de Michel Rocard.

Le même François Mitterrand a déclaré avant le second tour des élections législatives de 1988 qu’il n’était « pas souhaitable qu’un seul parti soit trop majoritaire » (ce qui n’avait pas facilité la tâche des candidats à ces législatives dont j’étais !).

Et c’est encore François Mitterrand qui déclarait lors du dernier conseil des ministres qu’il présida en 1993 – j’y étais présent – que s’il avait « un seul reproche à se faire », c’était de ne pas avoir, envers et contre tous, rétabli cette proportionnelle départementale.

France Info vient de publier sur son site deux graphiques que je reproduis ci-dessous.

Le premier représente la physionomie de l’Assemblée Nationale telle que les instituts de sondage la « prédisent » d’après les résultats du premier tour, avec le système actuel.

Le second figure quelle serait la composition de la même assemblée, à la proportionnelle.

Ces deux graphiques méritent réflexion.

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Mais, en attendant de telles réformes institutionnelles qui – de toute façon – ne sont pas pour tout de suite, je reviens à mon point de départ.

Et je souhaite qu’Emmanuel Macron, qui doit en avoir – et en aura ! – les moyens, puisse mener à bien une politique de progrès, une politique réformatrice, européenne et fidèle aux valeurs de justice et de solidarité.

J’entends, ici et là, les doutes et les interrogations.

Pour ma part, je me refuse aux procès d’intention.

Et je souhaite, dans ce nouveau contexte, le meilleur pour notre pays.

Jean-Pierre Sueur