On le sait. Avec mon collègue Hugues Portelli, nous sommes à l’initiative d’une nouvelle loi sur les sondages.

Celle-ci, qui a été votée par le Parlement, était devenue nécessaire, tant les sondages ont pris une place déterminante dans le débat public.

Nous l’avons souvent dit : présenter dans les médias des chiffres absolus n’a pas de sens. Tous les sondages comportent une « marge d’erreur », qui est plus ou moins élevée selon la taille de l’échantillon analysé.

Ainsi, lorsque l’on dit qu’un candidat a obtenu, selon un sondage, un score de 49 %, cela signifie que le score prévisible (au moment où le sondage a été réalisé) est situé entre 46,5 % et 51,5 %, si la marge d’erreur est de plus ou moins 2,5% (ce qui est fréquemment le cas).

Nous avons donc logiquement inscrit dans la loi que la première publication de chaque sondage devait être accompagnée de la mention de la marge d’erreur.

Voici comment la loi est détournée : certains instituts publient sur un site Internet – souvent peu connu ou peu fréquenté – la marge d’erreur avant la publication dans le média (presse écrite, radio, télévision) qui a commandé le sondage. Et, lorsque celui-ci est publié à une plus large audience, il n’est plus accompagné de la mention de la marge d’erreur.

Ainsi, même si la loi est formellement respectée, l’esprit de la loi est totalement bafoué !

J’ai exposé cela lors du débat sur l’application des lois qui a eu lieu récemment à la Commission des lois du Sénat. J’ai demandé que l’on se prépare à une modification pour éviter qu’à l’avenir un tel « détournement » reste possible et pour que les citoyens disposent enfin des informations nécessaires pour bien apprécier le résultat d’un sondage.

J’ajoute que, sur d’autres aspects, l’application de la loi laisse à désirer. Ainsi, la Commission des sondages doit être saisie pour chaque sondage d’une note précisant les critères de redressement (puisque les chiffres publiés ne sont pas toujours – loin s’en faut – les « chiffres bruts » issus de la consultation de l’« échantillon »). Là encore, on constate que nombre de notes remises à la Commission des sondages au sujet de ces « redressements » sont très indigentes.

Là encore, il faudra préciser les termes de la loi.

On le voit : la législation est une matière vivante. Et il faut sans cesse remettre l’ouvrage sur le métier… afin que la volonté du législateur s’exprime en toute clarté et qu’elle soit ensuite strictement respectée.

Jean-Pierre Sueur

>> Lire l’article du Canard Enchaîné à ce sujet