Depuis 2008, le président de la République peut s’adresser à l’ensemble des parlementaires réunis en Congrès à Versailles. À mon sens, cette procédure doit être utilisée dans des circonstances exceptionnelles (comme l’a fait François Hollande après les attentats terroristes) ou solennelles. Et je ne suis pas sûr qu’il soit souhaitable de la banaliser.
Il y a dans cette procédure un aspect qui peut paraître étrange. Puisque, comme nous l’avons à nouveau vécu le 9 juillet, le président de la République parle durant une heure et demie et il s’en va… Et les représentants des groupes politiques de l’Assemblée Nationale et du Sénat s’expriment ensuite… en son absence !
Pour remédier à cette apparente incongruité, Emmanuel Macron a proposé une (nouvelle) révision constitutionnelle qui permettrait au président de la République de rester sur place et de répondre aux parlementaires.
Je crains pour ma part que cette innovation, si elle était adoptée, n’entraîne une dérive vers une logique qui nous rapprocherait de la Quatrième République. Dans la Constitution de 1958, c’est le Premier ministre qui répond aux parlementaires. C’est lui qui est responsable devant eux.
D’ailleurs, Emmanuel Macron a, en fait, prononcé devant le Congrès, le 9 juillet, un discours de politique générale (même s’il a annoncé peu de mesures concrètes), ce qui – toujours dans la Constitution de 1958 – est l’apanage du Premier ministre.
Il est, certes, légitime de défendre, en France comme ailleurs, un régime présidentiel – c’est-à-dire un régime dans lequel il n’y aurait plus de Premier ministre, le président de la République jouant, de fait, ce rôle, ni de dissolution, ni de motion de censure. Certains défendent cette thèse à laquelle mon ami, hélas disparu, grand constitutionnaliste, Guy Carcassonne, était farouchement opposé. Il pensait, en effet, que le dispositif que nous connaissons se caractérise par une souplesse qui a permis de s’adapter à nombre de situations différentes depuis 60 ans, y compris aux « cohabitations ».
Toujours est-il qu’il serait contestable d’aller vers une telle évolution de manière subreptice à la faveur d’un amendement de circonstance.
Jean-Pierre Sueur.