L’ordonnance de 1945 est un texte emblématique qui pose un principe fondamental, en vertu duquel ce sont les mesures d’éducation qui doivent primer à l’égard des mineurs. Dans ces conditions, toute révision de ce texte, et a fortiori toute écriture d’un nouveau code de la justice des mineurs, doit donner lieu à un débat parlementaire approfondi.

Je tiens donc à exprimer mon total désaccord avec le projet annoncé par la Garde des Sceaux visant à inscrire un amendement dans le projet de loi sur la Justice en cours de discussion, afin d’habiliter le gouvernement à procéder à une modification profonde de ce texte par voie d’ordonnance. Cela signifierait que le projet ne donnerait lieu ni à un avis du Conseil d’État ni à des études d’impact.

Même si la Garde des Sceaux a déclaré que l’éventuelle loi de ratification sera l’occasion d’un « débat parlementaire de fond », cela ne trompe personne.

Il faut en effet, un débat parlementaire de fond, mais celui-ci doit porter sur un projet de loi soumis en toute clarté et dès l’origine au Parlement.

J’ajoute que l’un des grands problèmes qui se posent à cet égard est le délai beaucoup trop long qui existe aujourd’hui entre le moment de l’infraction et celui où la justice lui apporte une réponse. Chacun mesure que lorsqu’un mineur commet une faute… et que la sanction n’arrive que douze ou treize mois plus tard, cela n’est ni efficace, ni « éducatif ». Mais c’est aussi – et à vrai dire d’abord – une question de moyens !

Chacun mesure l’importance du sujet. Il appelle un vrai débat parlementaire, que le gouvernement peut inscrire très rapidement à l’ordre du jour s’il le souhaite.

Une fois encore, une fois de plus, je ne puis, pour ma part, accepter un dessaisissement du Parlement sur un sujet aussi sensible et essentiel.

Jean-Pierre Sueur