Intervention de Jean-Pierre SUEUR
Colloque de l'Institut de recherche et d'information sur le volontariat (IRIV) - mercredi 1er juillet 1998 - Palais du Luxembourg Lorsque j'ai publié en 1983 un rapport intitulé "Changer la retraite" à la Documentation française, je répondais à une demande du président de la République, François Mitterrand. Aux Assises des retraités et des personnes âgées, on s'était inquiété de la durée de la retraite. En effet, les départs à 60 voire 55 ans (pour les préretraites) et les progrès de la médecine font vivre "de plus en plus vieux".
Si la troisième partie de la vie devient plus longue que la seconde, le déséquilibre entre les générations, et le problème de son financement, risquent d'être les questions cruciales du 21e siècle.
Un mot magique était arrivé, celui de bénévolat ou de volontariat. Tous ces retraités ou préretraités n'étaient pas condamnés à la mort sociale. On ne leur proposerait pas de retravailler (encore qu'il soit possible de continuer de travailler après l'âge de la retraite, conformément à la Constitution), mais de s'investir dans des activités bénévoles.
Mais tout n'est pas si simple. Est-il normal d'exclure les gens de la vie active à 50 ans, 51 ans, 52 ans, 53 ans ? Ces "jeunes" retraités trouveront-ils le bonheur dans le bénévolat ? J'avais affirmé mon désaccord dans mon rapport. C'est pourquoi Pierre Mauroy, Premier Ministre, m'avait demandé de ne pas le publier à un moment où se multipliaient les préretraites. La publication eut lieu, sous le gouvernement de Laurent Fabius.
Le vrai problème est celui de l'organisation négociée de l'existence : le partage du temps entre formation, travail, activité, loisir, repos et bénévolat.
Depuis vingt ans, on parle du statut du bénévole ou du volontaire.
Pourtant, rien n'a abouti. Pourquoi ? Pour une raison très simple. Il y a en
France des centaines de milliers d'associations. Si les bénévoles ont un statut, on devra financer leur formation, leurs frais de déplacement, leurs charges et peut-être leur verser une indemnité... C'est impossible pour le budget de l'Etat de l'appliquer aux 700 000 ou 800 000 associations françaises.
Une solution consisterait à passer contrat avec quelques associations, celles reconnues d'utilité sociale. Mais c'est illusoire.
Quel président de commission décidera des associations qui sont d'utilité sociale ? Pour une association qui lutte contre le cancer, contre le sida, la paralysie ou la mucoviscidose, il est facile de dire qu'elle est d'utilité sociale.
Mais, pour le président du club de football d'un quartier en difficulté, qui a conscience de donner un cadre épanouissant aux jeunes et un rempart contre les déviances, que décidera-t-on ?
Je serais donc partisan d'une solution intermédiaire : un choix concerté entre l'Etat, le monde associatif et le CNVA pour définir un certain nombre de grands projets, de grandes perspectives.
Prenons l'exemple de la toxicomanie. Les centaines de milliers de jeunes touchés par ce fléau ont besoin d'écoute et d'accueil. Les professionnels ne peuvent répondre seuls à cette attente. Si la lutte contre la toxicomanie est une priorité, les régions et les départements peuvent passer contrat avec des associations spécialisées qui prévoirait un soutien et une formation aux bénévoles et/ou des exonération de charges. Ces "contrats d'objectifs" dans des domaines essentiels, choisis en partenariat pourraient intelligemment associer pouvoirs publics et associations.
Pour terminer, je vous livre une idée pour financer ces contrats d'objectifs, qui a été refusée jusqu'à présent par tous les ministres des Finances successifs. Dans les entreprises et les services publics, un certain pourcentage de la masse salariale est versé pour financer la formation professionnelle. Si celle-ci n'est pas assurée, le versement doit néanmoins être acquitté. Ce montant s'élève à 300 millions (voire 400), ce qui fait 3 millions par département. Ne peut-on pas se mobiliser pour que cet argent, indûment perçu par l'Etat, finance un fonds que l'on appellerait fonds interministériel pour le soutien à l'activité bénévole (FISAB) ? Il permettrait de financer la formation des bénévoles, dans toute la France, pour un certain nombre de projets prioritaires (par exemple la lutte contre la toxicomanie, la politique de la ville ...) que l'on choisirait en partenariat ?
La volonté politique, notamment en terme de financement, peut seule permettre au bénévolat d'être reconnu et de se développer.


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