Tribune parue dans La République du Centre du Pour beaucoup de Français, le verdict des urnes du 21 avril 2002 fut un véritable choc, une bien mauvaise surprise. Un an après, nous pouvons, me semble-t-il, faire une analyse plus rationnelle, moins émotionnelle, de ce qui s’est passé.

Il est clair, tout d’abord, que l’émiettement des voix de gauche entre de trop nombreux candidats a empêché la présence de Lionel Jospin au second tour. J’ai rencontré depuis beaucoup d’électeurs qui (comme ce fut le cas, un an plus tôt, aux municipales) regrettaient leur vote ou leur non-vote du 21 avril.

On peut en tirer une première conclusion simple. Les élections se jouent très souvent au premier tour. Si l’on veut qu’un candidat soit élu, mieux vaut lui donner toutes ses chances dès le premier tour.

Mais ce serait faire une analyse trop courte que de s’en tenir à cette observation. Car il y a dans l’échec de Lionel Jospin un vrai paradoxe. Durant cinq ans, il a gouverné avec une intégrité et un sérieux qui forcent le respect. Durant cette période, le nombre des chômeurs a diminué de 900 000. Des réformes essentielles ont été accomplies dans de multiples domaines : travail, assurance maladie, parité, évolution des mœurs, etc. Etre de gauche, pour moi, ce n’est pas faire les proclamations les plus à gauche possible, ce qui est toujours facile. C’est agir. C’est faire des réformes. C’est changer effectivement les choses. Et à cet égard, le bilan de Lionel Jospin est important. Alors, malgré tout cela, pourquoi le lourd échec du 21 avril ? En dehors de l’émiettement des voix, j’y vois au moins quatre autres raisons :

- Si l’action de Lionel Jospin fut conséquente, le projet qu’il présenta lors de l’élection présidentielle ne fut pas suffisamment mobilisateur. On ne gagne pas seulement sur un bilan, mais aussi sur un projet.

- Nombre de Français ont considéré qu’il y avait un déficit dans l’action du gouvernement Jospin par rapport à deux questions majeures. D’abord la prise en compte de l’évolution des bas salaires. Et ensuite la sécurité, même si le gouvernement de Lionel Jospin a beaucoup fait à cet égard, comme on tend à l’oublier aujourd’hui. En ce domaine, la communication compte beaucoup, à mon sens beaucoup trop, car seule une action de longue haleine peut porter ses fruits.

- Claude Allègre voulait réformer l’enseignement, mais ses méthodes ont créé une cassure avec beaucoup de ceux qui travaillent dans l’Education Nationale ou lui sont attachés. En ma qualité de Secrétaire national à l’Education du Parti Socialiste, j’ai pu remarquer que les séquelles étaient lourdes. On en a trouvé la traduction dans les urnes.

- Le Front National a su exploiter, comme il le fait depuis quinze ans, toutes les peurs sans jamais proposer de solution crédible.

Je tire de ces constats plusieurs conclusions pour aujourd’hui et pour demain :

- La Gauche doit se réunir autour d’un projet réaliste, affichant clairement l’objectif de justice qui est sa raison d’être. Cela vaut pour les retraites comme pour la fiscalité. Cela vaut aussi pour les salaires : une réforme de l’assiette des cotisations sociales permettant d’augmenter les bas salaires sans pénaliser les entreprises de main d’œuvre est ainsi indispensable.

- La Gauche doit défendre des projets forts, mobilisateurs. Les sujets ne manquent pas : l’Europe sociale, les règles du commerce mondial, la politique audiovisuelle, -ou des questions aussi majeures que la recherche scientifique ou la nouvelle politique de la ville, qui sont délaissées par le gouvernement Raffarin.

- Il faut être constamment à l’écoute de nos concitoyens, et en particulier de ceux dont la vie est difficile. Mais il ne suffit pas de dire « proximité » chaque matin pour l’être.

- Il faut rester intransigeant à l’égard des positions du Front National. Je trouve, à cet égard, inquiétant que l’un des élus de droite qui s’était opposé clairement à l’union de la droite républicaine et de l’extrême droite dans la Région Centre se voie interdit l’accès au groupe UMP de la Région.