Interview de Jean-Pierre Sueur dans Le Journal du Parlement d'otcobre 2005. Propos recueillis par Ariane FAURE. Peut-on dire que La Poste est une banque postale pouvant endosser le rôle d’établissement bancaire à part entière ?

Jean-Pierre SUEUR : Depuis le vote de la nouvelle loi relative à la régulation des activités postales, la création d’un établissement bancaire postal est décidée. C’était, depuis longtemps, une nécessité. Pendant des années j’ai dit à l’Assemblée nationale puis au Sénat qu’il était illogique que la majorité de la clientèle des Chèques Postaux soit constituée de personnes âgées et de jeunes qui étaient dans l’obligation de quitter La Poste dès qu’ils souhaitaient obtenir un prêt, puisque l’établissement bancaire qui leur consentait ce prêt leur demandait alors de domicilier leurs salaires et leurs ressources chez lui pour obtenir ce prêt. Cette situation est depuis longtemps préjudiciable à La Poste. Elle l’aurait été encore davantage si les choses étaient restées en l’état au moment où la concurrence se met peu à peu en place au plan européen pour un grand nombre d’activités postales. Il est en effet indispensable que La Poste aborde cette nouvelle donne avec la maximum d’atouts. Et le fait qu’elle puisse proposer une gamme plus étendue de prêts est pour elle un atout non négligeable dans ce contexte.

Quel sera dorénavant le périmètre des compétences de La Poste en matière de services financiers ? Jusqu’où doivent-ils aller ?
JPS : Le nouvel établissement doit pouvoir apporter un ensemble significatif de prestations. Je tiens toutefois à faire part de trois regrets sur la manière dont le nouvel établissement bancaire est mis en place. Je déplore tout d’abord que ce nouvel établissement ne soit pas une filiale à 100 % de La Poste, ce qui aurait témoigné, pour aujourd’hui et pour demain, d’une forte cohérence par rapport à un état d’esprit qui doit rester celui du service public. En second lieu, je trouve dommageable que les relations juridiques entre les deux entités soient relativement floues : quand on lit de près le texte, on ne sait plus très bien qui est filiale de qui. Enfin, il me paraît préjudiciable que, malgré les multiples questions que je lui ai posées au cours du débat parlementaire, le représentant du Gouvernement n’ait à aucun moment voulu s’engager sur une date précise pour la mise en place effective des prêts à la consommation.

Quel est l’intérêt pour La Poste de proposer des crédits à la consommation ?
JPS : Cet intérêt est évident. La Poste est aujourd’hui le réseau le plus dense qui existe sur le territoire, en raison du grand nombre de bureaux de poste, - et même si les élus s’inquiètent fort légitimement de voir un certain nombre d’entre eux fermer. Il est tout à fait logique que le réseau le plus dense puisse proposer la gamme de prestations la plus diversifiée afin d’apporter à nos concitoyens un service de proximité efficace. Les crédits à la consommation s’inscrivent pleinement dans cette perspective, mais j’insiste sur le fait qu’il est indispensable qu’ils puissent être mis en œuvre rapidement. Il faut bien voir que nous sommes engagés dans une bataille du temps. L’ouverture de nouveaux services postaux à la concurrence se fait année après année. C’est donc très vite qu’il faut donner à La Poste l’atout supplémentaire que constituent les crédits à la consommation si l’on veut qu’elle affronte cette nouvelle phase dans les meilleures conditions.

Quel impact serait ressenti au niveau du guichet ?
JPS : Cela se traduirait évidemment par une plus grande diversité des services proposés, et donc par des atouts et des arguments supplémentaires pour maintenir une présence postale sous la forme du réseau dense, irrigant l’ensemble du territoire, auquel nos concitoyens sont profondément attachés.