Collégiale Saint-Pierre-le-Puellier Je suis très heureux de participer ce soir au vernissage de cette exposition consacrée à Maria STANGRET et à Bogdan KORCZOWSKI, dans le cadre de l’hommage que la Ville d’Orléans a voulu rendre à Tadeuz Kantor, 10 ans après sa mort. Nous n’avons pas voulu faire, de cette hommage, un objet compassé, stérile, et pour tout dire un peu mort. Nous avons souhaité, au contraire, montrer combien l’œuvre de Kantor reste vivante, combien son travail sur la mémoire, sur sa mémoire et sur notre histoire, pouvait toujours être actuel. C’est ce « retour » permanent qu’il recherchait dans ses multiples œuvres de dramaturge et de plasticien et que nous avons recherché à notre tour.

Comment donc ne pas montrer, à l’occasion de cet hommage, des oeuvres d’artistes qui ont cherché, eux aussi, à retourner sur leur mémoire et sur notre mémoire. Ce projet était d’autant plus justifié que certains artistes se sont également inspirés de Kantor, comme médiateur, comme catalyseur, pour élaborer une œuvre personnelle.

C’est pourquoi, l’Institut d’Arts Visuels a accueilli, aux mois de septembre et d’octobre, des installations de Bruno WAGNER, consacrées à Tadeuz Kantor. C’est pourquoi, au début du mois de novembre, la Collégiale Saint-Pierre-le-Puellier expose des œuvres de Maria STANGRET et de Bogdan KORCZOWSKI, deux artistes polonais aussi attachés à Kantor qu’ils le sont à la France.

Maria STANGRET, nous la connaissons. Elle est, en effet, venue à Orléans, au mois de septembre dernier, à l’occasion de l’inauguration des deux expositions consacrées à Tadeuz Kantor, dont elle fut la compagne pendant plus de trente cinq ans. Elle accompagna les créations théâtrales de son mari, devint actrice, mais n’abandonna pas, pour autant, sa première passion, la peinture. Kantor et elle ne se sont-ils pas rencontrés à l’école des Beaux-Arts de Cracovie, alors qu’il y enseignait et qu’elle y suivait des cours ?

Ce destin commun explique les parentés qui existent entre leurs œuvres. Certaines techniques sont communes, comme l’utilisation de la troisième dimension pour prolonger le tableau dans notre réalité – ici par un morceau d’arbre - ou pour donner au tableau un prolongement dans notre monde. On peut aussi voir certains clins d’œil également à l’œuvre de Kantor, comme le parapluie blanc, alter-égo féminin du parapluie noir de Kantor.

L’œuvre de Maria STANGRET joue donc avec l’œuvre de Kantor, parfois le sourire en coin. Mais son œuvre est aussi empreinte d’un ton personnel, assez mélancolique, à l’instar de la série des fenêtres, qui nous renvoient au monde de l’enfance, à un passé qui s’efface et que nous cherchons à conserver, sur lequel nous retournons sans cesse. L’enfance, avec ses rêves, ses longues journées passées à chercher, à travers la fenêtres, les vibrations du monde, l’enfance parfois brisée, comme celle d’Anne Franck, à laquelle Maria STANGRET rend également hommage.

Le passé, et au premier rang l’histoire de la Pologne et de l’Europe depuis un siècle, sont aussi présents dans l’œuvre de Bogdan KORCZOWSKI. La « cartonthèque » fait résonance avec la « Cricothèque », le musée conçu et réalisé par Kantor, à Cracovie, pour rassembler ses œuvres. Ce n’est pas un hasard. Bogdan KORCZOWSKI a été influencé très tôt par l’œuvre de Tadeuz Kantor. Chez les deux artistes, on retrouve cette même attention à l’histoire, à une histoire tragique, et notamment à l’histoire juive de la Pologne.

Bogdan KORCZOWSKI utilise sa « Cartonthèque », comme un écrivain ou un poète pourraient utiliser certains mots privilégiés, comme un linguiste structuraliste décortiquerait les mots, en composant, au gré des surfaces à couvrir, de la disposition des salles, et selon l’inspiration, plusieurs centaines de tableaux peints sur des cartons. Grâce à cette technique, il nous donne à voir une œuvre toujours unique et toujours changeante, faite de bribes d’autres œuvres. Il nous montre ainsi comment l’art peut sans cesse se renouveler, à partir de lui-même, comment les œuvres d’art se régénèrent elles-mêmes.

Pour Orléans, et la Collégiale Saint-Pierre-le-Puellier, il a ainsi puisé, dans sa « cartonthèque », 230 cartons qu’il a agencés pour que l’œuvre soit en correspondance avec les tableaux de Maria STANGRET et avec la nef de la Collégiale. Il a adapté son œuvre, conçue au départ comme un long couloir, mais qui finit par ici par créer un espace original.

La première impression passée, il faut s’approcher ensuite des cartons peints pas Bogdan KORCZOWSKI. Son installation prendra alors une autre dimension. Chaque carton devient un morceau d’une œuvre plus grande, une trace de cette œuvre, comme le dit lui-même Bogdan KORCZOWSKI, un élément des archives de la mémoire. Mémoire du tableau, mais au-delà, également, mémoire de l’histoire. Les éléments semblent surgir du passé, s’imposer au peintre et ne pas respecter les contours du tableau.

L’histoire, qui a marqué Bogdan KORCZOWSKI, est d’abord celle de la Pologne et des juifs de Pologne, exterminés il y a plus de cinquante ans. L’étoile de David, comme certains inscriptions, rappelle le judaïsme. D’autres sont plus anciennes encore, et font référence au chamanisme. Il y a en effet, chez lui, la tentative, inspirée du chamanisme, de donner à nouveau vie aux objets et aux traces mortes du passé. Cette recherche était aussi celle de Kantor, qu’il a connu et qui, comme lui, était originaire de Cracovie. Il était donc particulièrement judicieux d’inviter Bogdan KORCZOWSKI à l’occasion de cet hommage à Kantor.

Je voudrais donc remercier l’ensemble de la Direction de l’Action Culturelle pour l’avoir fait, et Nathalie GRENON pour avoir participé activement à cet hommage, d ans le cadre de la programmation de la Collégiale Saint-Pierre-le-Puellier.

Je voudrais aussi remercier Gaëla Le Grand qui a participé à la rédaction du catalogue de l’exposition.

Enfin, je voudrais remercier les artistes.

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