Arts

  • Le redirai-je ? Je fus d’abord réticent quant au projet de construction du Belvédère, sur la place de Saint-Benoît-sur-Loire, craignant que l’architecture de la façade ne s’accordât pas avec le bâtiment existant. J’ai aujourd’hui changé d’avis, après avoir visité la belle exposition, très bien présentée, qui nous permet de découvrir, au sein de ce Belvédère, l’histoire – dans toutes ses composantes – de ce joyau qu’est l’abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire, et nous offre aussi, à son ultime étage, une vue unique sur cet incomparable chef-d’œuvre de l’art roman.
    Mais le Belvédère – et son équipe – vont aujourd’hui au-delà en publiant, avec le concours de la communauté de communes du Val de Sully, un ouvrage remarquable sous le titre Patrimoine religieux en Val de Sullyqui restitue et complète très largement une exposition sur le même thème.
    Ce livre s’ouvre sur une histoire du fait religieux en Val de Sully. Il nous offre ensuite une seconde partie, la plus originale sans doute, intitulée : « Apprendre à regarder le patrimoine religieux ». Cette « éducation au regard » portant à la fois sur le bâti, les sculptures, les vitraux, etc., nous invite à passer du temps – contrairement à ce que font trop souvent les touristes trop pressés – pour découvrir, admirer et contempler les édifices – imposants ou non, comme les croix des chemins –, sans méconnaître ni les vues d’ensemble ni les détails.
    Et il faut souligner que l’ouvrage ne s’arrête pas aux édifices les plus connus : Saint-Benoît et Germigny-les-Prés. Tout au contraire, il met aussi en valeur d’autres chefs-d’œuvre ignorés dans les dix-sept autres communes du Val de Sully. Ainsi l’art roman nous est-il présenté avec pour modèle l’église Saint-Étienne de Lion-en-Sullias, l’art gothique avec l’église Sainte-Marguerite de Cerdon, l’art baroque avec l’église Saint-Martin de Guilly et le style néogothique avec l’église Saint-Pierre de Dampierre-en-Burly.
    La troisième partie de ce livre présente le patrimoine de chacune des dix-neuf communes de la communauté de communes du Val de Sully. On y découvre ainsi un tableau de Pierre Poncet (1612 -1659) à Isdes, un chef-d’œuvre du peintre flamand Joos Gaemare (17e siècle) à Dampierre-en-Burly et un autre chef-d’œuvre, à Cerdon, « la Nativité de la Vierge » du grand artiste italien Luca Giordano (17e siècle), qui vient d’être, à juste titre, retenue pour une restauration dans le cadre d’un concours organisé par la Fondation pour la sauvegarde de l’art français.
    … On le voit, cet ouvrage permettra maintes découvertes en ce Val de Loire où la beauté de la nature et les richesses de la culture vont de pair depuis des siècles.
    Jean-Pierre Sueur
    • Ce livre peut être obtenu auprès du Belvédère, 55 rue Orléanaise, 45730 Saint-Benoît-sur-Loire (120 pages, 7 €)
  • Je dois à Rémi Carteret, correspondant de La République du Centre à Nargis, que je remercie, de m’avoir fait découvrir deux poèmes écrits par Paul Fort lors de l'une de ses venues à Nargis – poèmes dont il a révélé l'existence à ses lecteurs.
    L'œuvre de Paul fort est immense et ses Ballades françaises comptent… quarante volumes. On sait qu'il fut surnommé « Le prince des poètes ». Et on garde en mémoire quatre de ses poèmes qui ont été mis en musique par Georges Brassens : Le petit cheval, La Marine, Si le bon Dieu l'avait voulu et Comme hier. Mais au-delà de ces titres connus, il est un grand nombre de poèmes – qu'il publia de 1896 à 1958 – qui sont très méconnus. Paul Fort y cultive le lyrisme et le symbolisme – la simplicité aussi. Il écrit davantage en versets qu'en vers. Il chante les villes et les paysages…
    Et je ne résiste pas au plaisir d'offrir à mes fidèles lecteurs ces deux poèmes, écrits à Nargis.
    Le premier s'intitule Premiers soirs à Nargis. Il y est question d'un hameau qui, le soir, est veillé par des lys. Signe de sa totale liberté, Paul Fort nous propose un audacieux enjambement entre la première et la seconde strophe : « À l'heure où glisse / l'hirondelle ». Il est aussi question des pleurs d'un « bien-aimé » et de l'angélus qui « trouble l'air d'un son faible et ruiné. »
    Et puis il y a ce beau vers :
    « Le village se tait. La nuit d'astres soupire. »
    Mais je vous laisse lire ce très beau poème :
    Premiers soirs à Nargis
    « Il me sera si doux de dire : je l’ai vu, ce hameau qui le soir est veillé par des lys ! J’y ai tant pleuré ces soirs où j’ai vécu dans la sérénité trop grande à l’heure où glisse
    l’hirondelle. Et vous-même, il vous sera doux de dire : je l’ai vu pleurer, mon bien-aimé, me sourire et pleurer vers l’ombre où tout à coup l’angélus trouble l’air d’un son faible et ruiné.
    "Quelle heure ?" — "Nulle, une heure éternelle." — "Quelle heure ?..." Hélas ! je répondrais : "Le charron donne encore un coup triste à ses roues" — "Oh ! je sens que tu pleures."
    "Le village se tait. La nuit d’astres soupire", murmurais-je voulant me taire et tout vous dire ; enfin pleurant l’instant d’un autre instant suivi : "Respire longuement le souffle de la vie." »
     
    Le second s'intitule Le plateau des trois clochers. Il a été écrit depuis un site (est-ce, nous a-t-on dit, « le bois de Pithurin » ?) où l'on découvre à la fois les clochers de Nargis, de Ferrières et de Château-Landon.
    Il y est question du Fusin qui reflète « les beaux jours » et qui, « toujours, entoure de ténébreux quadrilles des corneilles actives. »Paul Fort nous parle de « son petit Nargis, tout jardiné de roses et de lys. »
    Mais cette fois encore aussi, je préfère laisser la place au texte … et à Paul Fort :
    Le plateau des trois clochers
    « Des bois noirs de Toury, chère, quand nous sortîmes, ce dimanche matin, sous l'averse argentine des angélus, vingt champs d'épis pleins de frissons couvraient tout le plateau jusqu'au large horizon.
    Au sud, au nord, à l'est du plateau des moissons, et suspendant sur elles un triangle d'azur, s'effilaient doucement trois clochers dans l'air pur, de bourgs où nous vécûmes, et vivons, et vivrons...
    Les cloches des trois tours dont l'une est un beffroi, tout en sonnant matines, nous chantaient à la fois, la cloche de Château-Landon, nos souvenirs, de Nargis, l'heure même, de Ferrières, l'avenir.
    À ton ombre, clocher, qu'il nous fut doux de vivre, clocher roux de Landon que dorent les beaux jours, que le Fusin reflète et qui toujours s'entoure du ténébreux quadrille des corneilles actives !
    Lors nous vivions chez nous, faut-il nous le redire, toujours chez nous, dans cette auberge "à la Croix d'Or", toujours croisée ouverte et l'église en décor de nos amours: Clocher, n'es-tu qu'un souvenir ?
    Nargis, vous, mon petit Nargis tout jardiné de roses et de lys et qui, des graminées les plus vives au vent, caressez vos toits roses, je voudrais sur votre clocher dire une chose.
    Souffrez-le : nous vivons en bonne compagnie depuis sept jours bientôt. - Comme passe la vie ! Il a l'air, mon petit Nargis, votre clocher (je vous aime ! voyons ! n'allez pas vous fâcher)
    d'un casque à pointe. Absolument. Clocher français, n'avez-vous pas de honte ? Oh ! vous pleurez ? Je vais vous consoler un brin... Vous semblez, ce matin, la sonnette agitée d'un géant sacristain.
    Mais le son que vous répandez est un délice tel, que tendent l'oreille hommes, roses et lys, tel aussi, que pour mieux l'entr'ouïr, ce dimanche, des anges de blé glissent en robe blanche.
    Ainsi parlais-je, ayant ma mie auprès de moi, qui me dit: "Et cet autre?" en me montrant du doigt le clocher de Ferrières, élancé bel et rond. - "Ferrières, c'est l'avenir, hé ! ma mie, nous irons.
    Nous irons, nous verrons sa menue Vierge noire, dont la tête, au milieu doré d'un reposoir, n'est pas plus grosse qu'un pruneau ; mais si jolie, qu'elle est miraculeuse en temps d'épidémie.
    Nous irons, nous verrons à l'ombre de l'église, l'arène où combattaient rétiaire et mirmillon, voire où Pépin le Bref abattit son lion. Mais de cet avenir faisons bien l'expertise.
    Nous irons voir le dais que l'on porte en clochant, courant, sautant, le jour de la Saint Greluchon, et qui supporte alors la Vierge aux yeux dardés que Gaspard le Roi nègre a dû trop regarder,
    et sous lequel il faut embrasser sa promise, pour avoir des enfants plus tard: vite on la bise ! - tout comme ici je fais, sous le dais bleu des cieux, vite votre joue, moins vite sur vos yeux."
    Ah ! sonnez les trois cloches, sonnez avec émoi notre éternel bonheur! Chantez nous à la fois, la cloche de Château-Landon, nos souvenirs, de Nargis, l'heure même, de Ferrières l'avenir ! »
     
    Peut-être est-il d'autres poèmes sur Nargis et le Gâtinais que nous retrouverons un jour.
    En tout cas, ces poèmes justifiaient qu'une rubrique Paul Fort et Nargis soit ajoutée à l'excellent livre de Christian Jamet : Le Loiret des écrivains et des artistes (Corsaire éditions).
    Jean-Pierre Sueur
  • La République du Centre, 5 octobre 2022

  • Pierre Maitre, qui vient de nous quitter, était un très remarquable artiste du Loiret, dont la palette était fort riche – et dont l’œuvre considérable est trop méconnue. Il entre à la faïencerie de Gien à l’âge de 14 ans quand son illustre arrière-grand-père, Ulysse Bertrand, la quitte – et il y travaille jusqu’à ses 70 ans, exerçant les fonctions de directeur artistique après avoir été distingué comme Meilleur ouvrier de France. On lui doit de magnifiques « décors » qui comptent dans l’histoire de la faïencerie. On lui doit aussi la fresque du stade nautique de Gien (en grès et porcelaine), les peintures sur carreaux de porcelaine de l’église de Gien, le rosaire en grès de Notre-Dame de la Gorge aux Contamines-Montjoie, ainsi que les fresques murales de l’hôpital Saint-Louis, de Paris (en carreaux de faïence de Gien). Cet admirateur de Picasso fut aussi un peintre prolifique, se remettant constamment en cause, renouvelant sans cesse son approche de la peinture. Ses œuvres furent exposées, au-delà du Giennois, à Paris, Nevers, Menton… mais aussi à Londres, Amsterdam et New York. Titulaire de l’Ordre national du mérite, Pierre Maître aimait toutes les formes de l’art, de la musique à la poésie. Dans un texte qu’il écrivit sur lui, Max-Pol Fouchet souligne qu’il recherchait constamment « l’harmonie, celle du cœur de la main et de l’esprit réunies dans l’homme. »Et il signa : « Son ami qui doit l’avoir connu depuis toujours. »Je pense à son épouse Danielle et à sa fille Isabelle.
    Jean-Pierre Sueur
  • J’aime le musée des beaux-arts d’Orléans.

    Bien sûr, j’aime aussi visiter d’autres musées, en France et ailleurs. Mais je me défie des visites trop rapides, où l’on finit par défiler devant tellement d’œuvres qu’elles ne laissent pas vraiment de trace ou de souvenir en nous, sauf exception.

    Le musée d’Orléans est extrêmement riche. C’est l’un des plus riches de France. J’aime y revenir sans cesse, y découvrir ses nouvelles acquisitions, mais souvent revoir inlassablement certains tableaux. Ils sont toujours les mêmes – me dira-t-on. Je rétorquerai qu’ils sont toujours différents au sens où chaque fois, j’ai le sentiment d’approfondir la connaissance de l’œuvre, d’y trouver de nouvelles profondeurs, des correspondances et des harmonies que je n’avais pas encore décelées.

    En un mot, je préfère me concentrer sur un nombre défini d’œuvres, plutôt que de me disperser sans fin, même si j’adore – pourquoi le cacher – découvrir de nouvelles œuvres comme autant de surprises – mais que j’aurai, je le sais, le désir de revoir, et de revoir encore, afin, une fois de plus, de rechercher la profondeur du trait, du dessin, de l’image, des lumières, plutôt que de rester toujours à la surface des choses.

    On l’aura compris, je vais, pour une fois, faire relâche pour ce qui est de la politique et vous convier, si vous le voulez bien, par quelques lignes volontairement cursives, vers dix tableaux du musée des beaux-arts d’Orléans qui me tiennent à cœur pour des raisons diverses et que je choisis arbitrairement parmi des dizaines d’autres, sur lesquels j’aimerais revenir une autre fois…

    Tête de vieil homme, d’Antoine Van Dyck. Ce tableau du XVIIe siècle est d’une singulière modernité. Ce vieil homme sort des conventions, des règles, des bienséances – il sort littéralement du tableau. Est-il résigné, abattu, ou, au contraire, est-il toujours prêt à se battre, après avoir connu d’indicibles épreuves ? On ne le saura jamais.

    Corbeille de prunes et cerises, de Jacob Van Hulsdonck. Cette « nature morte » n’est pas morte. Elle éclate de vie. Les couleurs y composent une harmonie douce, une symphonie de demi-teintes dont on ne peut se lasser. Pas plus que des gouttes d’eau, ainsi que du papillon, du hanneton ou d’une mouche qui me rappellent, bien sûr, la salle du livre d’or du Sénat.

    Bacchus découvrant Ariane à Naxos, des frères Le Nain. Que dire ? Sinon que ce chef-d’œuvre nous offre la pureté la plus pure.

    Le feu, l’air, l’eau, la terre, de Claude Déruet. Ce n’est pas un tableau. Ce sont quatre tableaux, voués chacun aux quatre éléments tous quatre somptueusement magnifiés. Mais ces quatre tableaux n’en font, finalement, qu’un seul ! J’aime à penser que Bachelard les eût adorés. Mon seul regret, c’est que, du fait d’un nouvel accrochage, ils sont perdus parmi nombre d’autres tableaux. Ils offraient toute leur beauté et toutes leurs correspondances dans la salle adjacente, qui leur était naguère dédiée. Mais je connais les contraintes.

    Portrait de famille, attribué à Cornelis Bisshop. Ce tableau eût intéressé Michel Foucault : je renvoie bien sûr au prologue de Les mots et les choses. C’est une famille noble. Ce pourrait être une œuvre académique. Ça ne l’est pas. Car tout compose une envoûtante harmonie : les lignes, les couleurs, les postures, les vêtements, les mains, les regards… Oui, cette « figure imposée » suscite une très étrange fascination.

    Portrait d’un jeune homme noir, par Maurice Quentin de la Tour. Un chef-d’œuvre absolu. Toute l’humanité, tout ce qu’il y a de plus humain dans l’humanité en un portrait, un visage – un regard.

    Autoportrait de Chalgrin. Un autre chef-d’œuvre absolu. Harmonie des teintes – mais surtout force du regard, au-dessus des bésicles. Un regard qui ne s’en laisse pas compter, mais qui reste bienveillant. Cet autoportrait, c’est celui d’un homme qui se dit et qui nous dit : « Connais-toi toi-même. »

    Portrait de Max Jacob, par Marie Laurencin. Max Jacob est un être fascinant ; c’est un poète, un artiste, un mystique. Son destin fut tragique. Avouerai-je que j’ai toujours eu du mal à « entrer » dans son œuvre ? Marie Laurencin nous permet de découvrir l’homme avec ce portrait singulier, étrange, simple et profond à la fois.

    Choses en mai, par Jean Hélion. Ce triptyque est une œuvre majeure de Jean Hélion. Je l’ai souvent regardé, mesurant toute la gravité des personnages ici restitués. Une extrême gravité qui, je dois le dire, suscite en moi un malaise, en dépit de la force esthétique de l’œuvre. Je préfère penser que Mai-68 fut aussi – et d’abord – une explosion de joie.

    Étude, de Simon Hantaï. J’ai longtemps pensé que cet immense tableau prenait trop de place. Et puis, au fil du temps, j’ai appris à l’aimer. Et je ne me lasse pas de contempler ces ailes, ces oiseaux, ces colombes se mouvant en mille arabesques sur un fond de bleu d’encre.

    Jean-Pierre Sueur

    >> Plus d'informations sur le musée des beaux-arts d'Orléans

     
     
  • En ce lundi où les obsèques de Juliette Gréco se déroulent à Saint-Germain-des-Prés, on me permettra, en ultime hommage, d’évoquer trois de ses chansons méconnues… parmi tant d’autres, car au-delà de Jolie môme, Il n’y a plus d’après, La Javanaise… il y a, en vérité, des centaines de chansons de Juliette Gréco qui sont méconnues, voire inconnues, et qui ne demandent (mais les chansons ne demandent rien !) qu’à être redécouvertes.

    La valse des si
    Cette chanson date de 1958. Sa musique est une valse d’Henri Sauguet. Elle est dédiée à Elsa Schiaparelli. Ses paroles sont très simples, et même étonnement simplistes, puisqu’elles se limitent à un seul mot, un mot d’une syllabe, donc un monosyllabe : « Si ». Ce « si » est exactement répété ou plutôt prononcé, vécu – c’est le mot qui convient – trente-quatre fois. Chaque fois, la tonalité est différente. Cette extrême pauvreté du vocabulaire permet l’extrême richesse des sentiments, toute une palette, révélés par ces nombreux « si ». Ainsi Juliette Gréco nous offre en chaque syllabe par elle dite ou chantée une profusion de sentiments et de sensations. Les censeurs américains et français ne s’y sont pas trompés. Cette chanson fut interdite de diffusion à la radio.
     
    Jean de la Providence de Dieu
    C’est un poème de Pierre Mac Orlan. Il est étrange et plus qu’étrange. Son auteur a dit que c’était une histoire vraie, vécue à Rouen. Mais cette histoire est surréaliste, faite de bribes. On peut l’entendre cent fois – et toujours céder à sa magie, sans jamais être sûr d’avoir compris exactement de quoi il peut s’agir. C’est un bar qui s’appelle « L’Irlandaise ». Il y a un personnage qui s’appelle « Langlois », deux autres qui s’appellent « Machin » et « Chose ». Il y a aussi « moi ». Et il y a un marin qui s’appelle Jean qui navigue et qui pêche sur un bateau dénommé « La Providence de Dieu ». Les personnages apparaissent, disparaissent. Juliette restitue l’indicible mélancolie de ce texte fascinant comme le vent, omniprésent, le vent du nord, le « vent hystérique », qui emporte tout. Cela se passait en « l’an mille neuf cent deux/Au rendez-vous des amoureux. »
     
    La place aux ormeaux
    C’est un texte de Robert Nyel. La musique est de Gérard Jouannest. Et c’est très fort. C’est une chanson que l’on n’oublie pas dès lors qu’on a entendu Juliette Gréco la chanter une fois. Oui, une fois suffit.  Je cite seulement le début et la fin. Et je laisse chanter les paroles…
    Celles du début :
    « En trente-neuf, cette année-là
    On commençait de faire la guerre
    Moi, j'étais trop petite, je ne comprenais pas
    Ce que c'était la guerre
    Je regardais les fleurs et l'eau de la rivière
    Ou je jouais aux caches sur la place aux ormeaux
    Sur la place aux ormeaux
    Il n'y avait plus de fêtes, plus de bals populaires
    Il n'y avait plus qu' des vieux sur la place aux ormeaux
    Sur la place aux ormeaux
    On prenait Radio Londres en cachette, derrière
    L'ombre de nos rideaux
    Tandis qu'on découpait la France en deux morceaux. »
    … et celles de la fin (ou presque) :
    « Depuis ce temps, tout ce temps-là
    On continue de faire la guerre
    Et moi, qui suis adulte, je n' comprends toujours pas
    Pourquoi faire la guerre
    Alors qu'il y a des fleurs, des oiseaux, des rivières
    Et des enfants qui s'aiment sur la place aux ormeaux. »
     
    Il n’y a pas de conclusion.
    Il y a plus de sept cents chansons à retrouver.

    Jean-Pierre Sueur

  • Un grand bravo à la Fabrique Opéra pour cette si forte représentation de West Side Story au Zénith d’Orléans. Bravo au chef, Clément Joubert, au metteur en scène, Gaël Lépingle, à tous les interprètes, aux danseurs, aux chœurs et aux plus de 500 lycéens, apprentis  et étudiants qui ont apporté tout leur concours !
    JPS
     
  • Je tiens à saluer le livre que Claude Bourdin nous propose, qui retrace son itinéraire d’artiste et nous invite à suivre, de tableau en tableau, le rapport singulier qui est le sien avec les êtres, les paysages et le monde.

    On le sait, Claude Bourdin fut longtemps maire de Beaugency et conseil départemental de son canton. Mais avant même d’être élu, il était déjà un peintre talentueux… et cette passion pour la peinture lui est revenue – comme les résurgences de la Loire – alors qu’il a achevé ses mandats.

    Entre temps, il n’a cessé d’être un artiste, donnant à l’art et au respect ainsi qu’au renouveau du patrimoine une place essentielle dans l’exercice de son activité de maire.

    Il est vrai que Beaugency est une ville fabuleuse. Il n’est pas étonnant qu’elle attire autant les écrivains, les philosophes et les artistes. C’est une ville qui est penchée vers la Loire, indolente ou violente – c’est selon. Mais la pente qui mène à la Loire compte nombre de hauts monuments de pierre dont la verticalité compose avec la cité et son fleuve des harmonies changeantes qui ont – bien sûr – fasciné Claude Bourdin, comme elles fascinent tout visiteur. Si bien qu’il saisit au bout de son pinceau la géométrie de la cité et les courbes naturelles du fleuve – il « habite la Loire », écrit Olivier Rigaud –, et que là, à Beaugency, comme en tous lieux magiques du Val de Loire, comme à Saint-Benoît-sur-Loire, la culture et la nature s’unissent pour constituer un paysage sublimement harmonieux, réponse, oui, réponse, et forte réponse, à tous ceux qui professent que l’œuvre de l’homme se traduit inéluctablement par une destruction de la nature et de la beauté. Le contraire peut être vrai, comme le montre le miracle de Beaugency – et de son pont riche d’histoire et lourd de poésie devant lequel il nous arrive de rêver inlassablement.

    Avec Beaugency et la Loire, Claude Bourdin a un autre sujet de prédilection : les femmes – ou plutôt la femme qui est, écrit-il, « beauté, paix, sérénité » et dont il inscrit fréquemment la silhouette « lovée » dans une « bulle ovoïde. » J’ai toujours aimé – depuis si longtemps – ce tableau cent fois refait, avec de nouvelles touches de lumière et de couleur, des positions changeantes, mais témoignant d’une absolue permanence du sentiment.

    Telles qu’en elles-mêmes, la cité, le fleuve, la femme résistent aux aléas du temps et des circonstances. Claude Bourdin vise l’essence plus que l’existence et ses accidents de toutes sortes. Il préfère la profondeur et la carté des lignes au pittoresque, qu’il récuse.

    Sa peinture est méditation. Elle ouvre sur « le rutilement immobile du monde. »D’ailleurs, Claude Bourdin l’écrit : « Je ne me servirais pas de ma peinture pour affirmer des certitudes, mais ce que j’ai de plus profond que mes certitudes, mon appartenance au monde. »

    La période la plus récente donne moins de place à la figuration. Ce n’est pas « abstrait ». C’est épuré. On retrouve, de plus loin ou de plus près, la Loire avec ses courbes douces, ses mouvements incessants et ses bancs de sable.

    Claude Bourdin nous renvoie ainsi à la philosophie grecque qui fut notamment une profonde méditation sur la permanence et le changement, sur ce qui est immuable et sur ce qui passe…

    Jean-Pierre Sueur

     

     
     
     
     
  • Une nouvelle galerie d’art vient d'ouvrir à Jargeau. Elle s’appelle « Corbeau Rouge ». Elle a été créée par Julie-Anne B. C’est 30 Grande rue. On peut y découvrir, notamment, les sculptures aériennes, effilées, élégantes, stylées de Véro Lombard.
    JPS
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
  • Dans le cadre du Festival des Orgues en Pays Loire-Beauce fut interprété pour la première fois le 10 octobre dans l’église de Cravant, par la soprane Chloé Jacob, un poème de Christophe d’Arnell intitulé Une petite Beauce, mis en musique par Gildas Harnois, qui accompagnait Chloé David sur le remarquable orgue « Cavaillé Coll » de Cravant. Je publie ci-dessous le texte de ce poème inédit.

    Jean-Pierre Sueur

    Une petite Beauce de Jean-Christophe d'Arnell (avril 2020)

    Comme le souffle exquis d’un tilleul en exil,
    Héroïque, son âme inventait d’autres ciels
    Radieux au chevet de chapelles intimes,
    Infinis de douceur pour les blés en sommeil.
    Ses chemins conduisaient aux rivages fragiles,
    Ténébreux et sacrés de l’enfance éternelle.
     
    Ses vagues façonnaient d’ondoyantes collines
    Gisants de chaume et d’or, au visage vermeil.
    Sa tristesse, parfois, troublait l’encre docile
    Des Mauves-reposoirs, dont les bras en tonnelles
    Gansaient l’astre des nuits d’une moire divine :
    Immarcescible écrin de lumière et de grêle.
     
    II régnait en son cœur, l’espérance et l’abîme
    L’obscure éternité de la plaine d’Ukraine
    Et le bel unisson de nymphes sibyllines
    Auréolées de fleurs et de feuilles pérennes.
     
    Son prodigue murmure, au détour d’une vigne
    Annonçait un orage, un élan fraternel
    De faunes musiciens, ivres de joies infimes,
    D’antiques symphonies et de fugues rebelles.
     
    Son horizon, présage de riches avrils
    Apprivoisait la brume et sa nacre de gel,
    Et transformait l’hiver en bouquets d’églantines,
    Seringas et lilas aux parfums irréels.
     
    Et l’aube célébrait la présence subtile
    Des siècles en cortège et des Mânes fidèles
    En exhumant de l’ombre, un odéon d’argile,
    Une Petite Beauce, à tout jamais, Eden
  • Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, m’a fait le grand honneur de me présenter le manuscrit – précieusement conservé à la bibliothèque de l’Assemblée – du discours qu’y a prononcé Victor Hugo en 1850 pour s’opposer à la loi Falloux.
    Relisant ce discours, je suis frappé par sa force, par les valeurs qu’il recèle, par sa vision de l’avenir – le tout porté par une éloquence sans pareille !
    Je cite ce seul passage : « Voici, selon moi, l’idéal de la question : L’instruction gratuite et obligatoire […] Un immense enseignement public donné et réglé par l’État, partant de l’école de village, en montant de degré en degré jusqu’au Collège de France, plus haut encore, jusqu’à l’Institut de France. Les portes de la science toutes grandes ouvertes à toutes les intelligences : partout où il y a un champ, partout où il y a un esprit, qu’il y ait un livre. Pas une commune sans une école, pas une ville sans un collège, pas un chef-lieu sans une faculté […] Un vaste réseau d’ateliers intellectuels, lycées, gymnases, collèges, chaires, bibliothèques, mêlant leur rayonnement sur la surface du pays, éveillant partout les aptitudes et échauffant partout les vocations ; en un mot l’échelle de la connaissance humaine dressée fermement par la main de l’État, posée dans l’ombre des masses les plus profondes et les plus obscures et aboutissant à la lumière. »
    La photo ci-contre est celle du manuscrit de l’un des plus célèbres passages de ce discours : « Je veux, je le déclare, la liberté de l’enseignement, mais je veux la surveillance de l’État laïque, purement laïque, exclusivement laïque. »
    JPS
  • C’est une exposition de photographies que l’on pourra voir jusqu’au 3 juillet prochain sur les grilles du Jardin du Luxembourg à Paris. Organisée par le Sénat et l’association « France, patrimoine et territoires d’exceptions » qui regroupe sept associations d’élus locaux et de communes, elle présente des sites remarquables de France, dans toute leur diversité, parmi lesquels deux sites du Loiret, Yèvre-le-Châtel et Montargis, cette dernière étant présentée symboliquement comme la « Venise du Gâtinais ».