Dans son dernier livre Panthéon (éditions Grasset), Yann Moix raconte son enfance et sa jeunesse à Orléans. Il y évoque le parc Saint-Laurent, l’école maternelle du Faubourg Saint-Jean, sa "prof de maths de 1982", La République du Centre (qui n’"a pas... Dans son dernier livre Panthéon (éditions Grasset), Yann Moix raconte son enfance et sa jeunesse à Orléans. Il y évoque le parc Saint-Laurent, l’école maternelle du Faubourg Saint-Jean, sa "prof de maths de 1982", La République du Centre (qui n’"a pas voulu" de ses "textes remplis de génie (précoce)" (sic)). Il y parle de "la Loire laquée de Saint-Benoît".
On trouve, au total, dans le livre, deux phrases qui donnent le sentiment qu’Orléans est une ville animée par les forces et les mouvements de l’histoire et de la création. Ces phrases sont les deux dernières du passage suivant : " J’ai vécu dans une ville très orléanaise, Orléans (points de suspension). Pas la Nouvelle Orléans, la vieille. Celle des vrais ouragans : Jeanne d’Arc, Péguy, Bataille".
Pour le reste, Orléans est une ville abominablement provinciale. La page 47 est emblématique : "A Orléans, on trouvait : les rues d’Orléans, les places d’Orléans, les boutiques d’Orléans, et, également, dans une certaine mesure, des Orléanais". On lit aussi, page 48 : "L’idée d’Orléans est orléanaise. Tandis que l’idée de Paris n’est pas parisienne".
On nous dira que ces propos sont datés. Certes. On nous dira aussi que tout cela n’est que caricature. Ce n’est pas faux. On nous dira encore que l’on pourrait décrire bien des villes de la même façon. Ce n’est pas faux non plus. On nous dira enfin que cette perception et ces descriptions procèdent de la vision propre de l’écrivain. C’est une évidence.
N’empêche. Les nombreux lecteurs de ce livre-phare de la rentrée littéraire auront, encore une fois, une vision ringarde d’Orléans, considérée comme la quintessence du provincialisme.
Lisant ce livre, je me faisais la réflexion que nous avions décidément tout à perdre, à Orléans, à nous complaire dans le passéisme (que je ne confonds pas avec la compréhension du passé ni avec le sens de l’histoire), et que nous devions résolument nous tourner vers les vrais enjeux de l’avenir.
Mais revenons au livre. Yann Moix y construit son Panthéon, où François Mitterrand tient une place prépondérante. Il le fait dans une veine iconoclaste, ne nous laissant rien ignorer de ses haines ni de ses rages. Il crée des mots à chaque paragraphe, réorganise la syntaxe, réinvente la ponctuation. On le sent habité par les fatrasies, par Rabelais, Céline sans doute, d’autres encore. On se dit qu’il a du talent, que certaines pages sont irrésistibles, bien vues, puissamment satiriques, franchement comiques, mais que notre auteur aurait plus de souffle s’il résistait davantage à la tentation de céder à la facilité – comme l’écrivent si doctement certains professeurs de ma connaissance…
J’écris : "On se dit". C’est, ne le nions pas, une autre facilité. Alors je finirai par deux remarques à la première personne. La première, donc, pour noter que, contrairement aux apparences, l’écriture-réalité peut avoir pour effet d’éloigner de la vérité. La seconde pour constater que si Orléans ne figure pas au Panthéon de Yann Moix, Charles Péguy y figure assurément. Ce qui me conduit à une question : pourquoi les nombreuses références à l’œuvre de Péguy renvoient-elles aux Mystères, et principalement aux Mystères des Saints-Innocents, alors que Yann Moix eût trouvé dans l’abondante prose de l’enfant du faubourg de Bourgogne tant de pages qui eussent été à l’unisson de son sens aigu de la protestation contre l’ordre des choses ?

Thème : Textes sur Orléans