Dans le monde entier, la France est connue, renommée et aimée pour sa culture. Pour ses écrivains, ses théâtres, son cinéma, ses comédiens, ses musiciens, ses sculpteurs, ses danseurs… et j’arrête là une énumération qui pourrait être très longue… Oui, la France doit son image et son rayonnement, pour une part non négligeable, aux créateurs et acteurs de la vie culturelle. Et j’ajoute qu’ils n’ont pas vocation à donner une image repliée sur elle-même de leurs talents. Non, notre culture est ouverte aux cultures du monde. Elle n’a pas de frontières.
Or, aujourd’hui, de larges pans de notre vie culturelle sont en péril ! Comme dans d’autres domaines (je pense en effet à ce qui est fait pour l’économie), mais plus encore, car nombre de structures, entreprises et associations culturelles sont très fragiles et le sont plus encore que d’autres, cela appelle un véritable plan d’urgence, un véritable programme de sauvetage.
Or je suis effaré quand je vois la faiblesse des moyens apportés pour nombre de secteurs de notre vie culturelle.
Ainsi, pour ce qui est du spectacle vivant hors musical, le ministère de la Culture a annoncé royalement (si l’on peut dire !), le 18 mars, des aides d’urgence à hauteur de cinq millions d’euros. Et même si on y ajoute cinq à sept millions d’euros que le ministre Riester vient d’annoncer dans Le Monde, censés abonder l’aide des collectivités pour les « théâtres privés et compagnies peu subventionnées », cela reste très loin du compte.
Qu’on en juge !
Le PRODISS (syndicat national du spectacle vivant) évalue la perte du chiffre d’affaires à 590 millions d’euros pour l’interruption des activités du 1er mars au 31 mai 2020. Or, un grand nombre de spectacles sont d’ores et déjà annulés au-delà de cette période. La perte sera donc bien supérieure. Et les chiffres des aides annoncées par le ministère n’ont, à l’évidence, aucun rapport avec la réalité.
J’ajoute que selon le syndicat national des artistes, sur 14 452 artistes interprètes qui étaient engagés pour les mois de mars et d’avril pour 8 590 dates annulées, 2 024 seulement ont eu la promesse d’un report de leur engagement. Et seuls 430 ont reçu une promesse de compensation financière, dont ils ignorent mes modalités. Et des annulations étant d’ores et déjà annoncées jusqu’au 15 juillet, voire plus tard, ces chiffres croîtront invariablement dans de larges proportions.
J’en conclus qu’un effort beaucoup plus considérable que ce qui a été annoncé doit être mis en œuvre par l’État dans des délais rapprochés.
Franck Riester a déclaré dans Le Monde qu’il voulait « remettre les artistes au cœur des politiques culturelles. »
C’est une noble déclaration ! Mais, dans l’immédiat, il faut d’abord qu’ils puissent vivre.
C’est pourquoi il faut que, outre les fonds spécifiques, les entreprises du spectacle vivant puissent avoir accès au fonds de solidarité dans des conditions adaptées (rappelons notamment que les structures correspondantes ont souvent des revenus irréguliers). Et, de même, pour les intermittents, il faut aller au-delà des mesures annoncées afin de leur permettre de continuer de bénéficier de leur droit à l’Allocation de retour à l’emploi, en dérogation aux règles en vigueur « en temps normal ».
J’ai pris l’exemple du « spectacle vivant ». J’aurais pu en prendre bien d’autres…
Je pense en particulier à nos librairies, contraintes à la fermeture alors qu’elles sont victimes de la concurrence massive d’autres formes de distribution qui s’exerce dans des conditions pour le moins inéquitables.
Et je ne suis pas rassuré quand, toujours dans la même interview au Monde, Franck Riester vante le « formidable moyen d’accéder à la culture » que sont les « outils numériques ».
Certes, ces « outils » peuvent beaucoup apporter… Mais je ne voudrais pas qu’on en déduise, implicitement ou non, qu’ils pourraient se substituer à l’action des acteurs vivants de la culture vivante, sous toutes ses formes aujourd’hui et demain !
Oui, une part non négligeable de notre culture est en danger.
C’est pourquoi j’appelle à des mesures rapides et substantielles qui soient à la hauteur de l’enjeu.
Et c’est pourquoi j’ai intitulé ce texte : « SOS culture ! »
Jean-Pierre Sueur