Professeur émérite à la Sorbonne, Antoine Prost, qui fut enseignant à l’université d’Orléans et un adjoint à l’urbanisme dont l’action aura beaucoup marqué notre ville, a notablement contribué, par ses ouvrages et ses travaux, au renouveau des méthodes de la recherche en histoire.
Il nous propose aujourd'hui une belle illustration de ce renouveau avec un livre rassemblant des études rédigées lors des dernières décennies, revues et complétées, intitulé Orléans 1911 publié aux éditions du CNRS (22 €).
Pourquoi 1911 ? Parce qu’on dispose dans les archives de la ville d’Orléans d’une précieuse liste nominative du recensement de 1911. C’est une source précieuse qu’Antoine Prost entreprit, avec ses étudiants d’abord, d’étudier de très près. S’y ajoutent d’autres sources comme les registres fiscaux, les listes électorales, les 528 actes de mariage de l’année 1911, l’Annuaire d’Orléans, etc.
L’étude méticuleuse de toutes ces sources, qu’il croise et confronte, permet à Antoine Prost de présenter un tableau d’une extrême précision de la population et de la société orléanaises. La ville est répartie en onze secteurs, de l’intérieur des mails à l’extérieur des mails, sans oublier Saint-Marceau au Sud, et la population est décrite sur la base de données chiffrées, dans son ensemble et dans chaque quartier.
Ce faisant, Antoine Prost échappe aux stéréotypes et aux idées toutes faites. On découvre ainsi qu’en 1911, Orléans ne comptait que 43 % d’habitants nés dans la ville ou sa banlieue immédiate. Il ne faut donc pas méconnaître l’importance des arrivées et des flux de population. On découvre combien les statuts de propriétaire ou de locataire, les lieux d’habitation, les métiers, le statut familial et maints autres facteurs permettent d’établir une description très détaillée d’une réalité sociale complexe et contrastée.
Antoine Prost est l’un de ceux qui ont introduit en histoire des outils statistiques élaborés, telles les analyses factorielles. On voit ici combien ces outils se révèlent précieux.
Ainsi l’analyse des « familles bourgeoises » est-elle très précise. Il en va de même pour l’analyse des « ouvriers dans leurs quartiers. » Les ouvriers sont, en effet, nombreux à Orléans dans une ville qui, à quelques exceptions près, est passée à côté de la révolution industrielle. Je cite : « Ce paradoxe d’une ville ouvrière sans industries et presque sans usines, sauf Delaugère, les tabacs et les ateliers des chemins de fer, s’éclaire si l’on prend garde au piège du vocabulaire. Les serruriers, charpentiers, menuisiers, monteurs, mécaniciens, tailleurs de limes et autres que nous considérons comme des ouvriers, ne constituent pas en fait un prolétariat industriel, mais plutôt un peuple urbain d’avant l’industrialisation. » C’est, en effet, le peuple de Péguy.
On le voit, sans récuser le terme de « classe », Antoine Prost dépasse les représentations de la société qui se réduiraient à la seule opposition entre deux « classes ». L’analyse socioprofessionnelle qu’il mène permet ainsi de mettre à jour entre les deux pôles que seraient « un noyau bourgeois » et « un noyau d’ouvriers sans qualification », divers groupes sociaux qui s’échelonnent « en suivant un jeu complexe de proximité et de différences » et de « respecter la diversité interne d’une société, tout en dégageant un ordre, une organisation, c’est-à-dire un sens. »
Ajoutons que ce livre s’ouvre sur une présentation de l’histoire d’Orléans et s’achève sur une analyse ethnologique des fêtes de Jeanne d’Arc. Autant de raisons supplémentaires de le lire !
Un dernier mot. Dans son avant-propos, Antoine Prost écrit qu’il aimerait un jour expliquer comment l’action que nous avons eu l’honneur de mener ensemble – avec bien d’autres – au sein des municipalités de 1989 à 2001 a transformé la ville d’Orléans. Puis-je exprimer le vœu que ce soit l’objet de son prochain ouvrage ?
Jean-Pierre Sueur
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Antoine Prost présentera et signera son livre à la librairie « Les temps modernes » d’Orléans le samedi 12 mars à 17 h.