L’œuvre d’Anne Sylvestre est considérable : 400 chansons, dix-huit disques « pour adultes », autant de disques de « fabulettes » pour les enfants. Et tant de sujets abordés avec tellement de lucidité sur notre époque, tellement d’humour de tendresse et de révolte – beaucoup de poésie aussi.
À ceux qui l’aiment et veulent mieux la connaître, ou plutôt mieux éclairer ce qu’elle a écrit et chanté – car elle disait : « J’ai tout dit dans mes chansons » récusant des demandes d’explications qui lui paraissaient superflues –, je me permets de recommander le livre que Véronique Mortaigne vient de lui consacrer sous le titre Anne Sylvestre une vie en vrai (éditions Équateurs).
De même que nous avons peu à peu appris et compris la blessure originelle dont avait souffert Barbara et, du coup, relu, réécouté autrement ses chansons, ce livre présente sans fioriture, avec, justement, une intense lucidité, la blessure originelle dont durant de longues années Anne Sylvestre ne voulut pas parler, qu’elle finit, longtemps après, par évoquer dans certaines chansons : son père fut un collaborateur de haut niveau et durant toute sa jeunesse, elle alla le voir en prison.
C’était caché. Anne ne voulait pas même, au début, qu’on évoque sa relation avec sa sœur, Marie Chaix, devenue la secrétaire de Barbara.
Le livre s’achève (presque) sur l’évocation infiniment pudique d’un autre drame, la mort du petit-fils d’Anne Sylvestre, victime du terrorisme, au Bataclan.
Entre ces duretés et ce drame, le livre de Véronique Mortaigne nous présente bien d’autres aspects d’une « vie en vrai » qui éclairent les thématiques et l’écriture de nombreuses chansons citées : nous partageons le bonheur des îles des Glénans (Les amis d’autrefois), les combats pour le féminisme (Une sorcière comme les autres), pour l’environnement (Le lac Saint-Sébastien) ou pour la tolérance (Les dames de mon quartier)… Et ce n’est bien sûr pas du tout exhaustif ! L’œuvre d’Anne Sylvestre est, effet, considérable. J’ajoute que le livre de Véronique Mortaigne parle aussi d’elle-même, compte nombre de digressions et offre en fait un dialogue avec Anne Sylvestre. Il n’est pas construit selon les règles. Il vagabonde. C’est comme « la vie en vrai ».
Jean-Pierre Sueur
· Éditions Équateurs, 220 pages, 20 €