La Chine, c’est loin. Le Xinjiang, on ne sait pas très bien où cela se trouve. Quant aux Ouïgours, qui y vivent, on ne les connaît pas très bien, voire pas du tout.
Et pourtant nul ne pourra ignorer désormais les révélations faites par quatorze médias internationaux sur la base de 100 000 documents authentiques précisément analysés.
On ne pourra ignorer les paroles déclarant que « les traîtres doivent être écrasés et réduits à néant », qu’il faut, auparavant, et de manière générale, détruire et « anéantir », les « lignées des familles », les « racines des populations », « leurs relations avec l’extérieur », et même « leurs origines. »
Nul ne pourra ignorer que les Ouïgours sont, en raison même de leur existence, condamnés à la prison, aux univers carcéraux, au centre de rééducation, menacés de mort en cas de contestation. Nul ne pourra ignorer que les taux de détention des Ouïgours dépassent ceux du stalinisme et qu’ils sont 64 fois plus élevés que le taux d’emprisonnement national en Chine.
Et pourtant, nul ne peut ignorer non plus que la Chine voit le nombre d’États africains, notamment, qu’elle couvre de subsides, suivre davantage que par le passé ses positions à l’ONU.
Nul ne peut ignorer que la Chine a pactisé avec la Russie sur le conflit ukrainien.
Je n’ignore ni les exigences de la diplomatie ni le poids des accords économiques, ni tout le non-dit que cela induit.
Mais pouvons-nous rester muets, impuissants, inopérants et finalement consentants devant ce retour massif de la réalité concentrationnaire ?
Jean-Pierre Sueur