On a donc entendu, la semaine dernière, à l’Assemblée Nationale, des propos racistes, justement sanctionnés, qui ont révélé à ceux qui en douteraient, qu’au-delà de l’apparente dédiabolisation dont se targuent les dirigeants du Rassemblement national, le vernis craquait et la vérité revenait à la surface.
Mais le scandale n’est pas seulement celui-là.
L’autre scandale, que le premier ne doit pas dissimuler, c’est que la mer Méditerranée est devenue un cimetière à ciel ouvert, que les passeurs continuent, trop souvent en toute impunité, à exploiter la détresse et la misère des hommes, des femmes, des enfants qui embarquent dans des bateaux de la mort.
Le scandale, c’est que l’on se « renvoie la balle » pour accueillir ces êtres humains, que la majorité des pays d’Europe se défausse sur les quatre pays les plus touchés – l’Italie, la Grèce, Malte, l’Espagne –, et que les polémiques amplifiées par les extrêmes droites, mais relayées au-delà, prennent le dessus sur la nécessaire recherche de solutions concrètes, au plan européen, pour pourchasser efficacement les passeurs, et pour accueillir les êtres humains qui doivent l’être, sauf à fermer les yeux sur leur malheur.
Gérald Darmanin et Olivier Dussopt ont présenté ce qui semble être leur futur projet de loi sur l’immigration. Redoutant un débat caricatural et démagogique sur cette question importante, la Première ministre avait demandé que le projet fût reporté et à ce qu’il fît l’objet, préalablement, d’une concertation approfondie.
Á ma connaissance, de concertation approfondie, il n’y eut point à ce jour. En outre, on peut s’étonner de certaines déclarations du ministre de l’Intérieur selon lesquelles – pour ne prendre que cet exemple – les préfets devraient « rendre la vie impossible » aux personnes frappées par une obligation de quitter le territoire français. On attendrait plutôt du ministre de l’Intérieur qu’il incite les préfets à régler les situations et à trouver des solutions.
La réflexion et la concertation sont assurément nécessaires.
Car si des règles et des lois sont légitimes en ce domaine – il n’en manque d’ailleurs pas – tant au plan français qu’au plan européen, on ne doit jamais oublier qu’il y a toujours eu et qu’il y aura toujours des migrations, que celles-ci ont été demandées par nous-mêmes, qu’elles sont indispensables pour assumer un certain nombre de tâches et que nous devons rester une terre d’accueil.
La pire des choses pour bien aborder et traiter cette question de l’immigration, c’est l’hyper politisation du sujet.
Je crains qu’on en prenne une fois encore le chemin. Mais ce chemin n’est pas le bon.
Jean-Pierre Sueur