Au moment où nous voyons des milliers d’amendements s’amonceler à l’Assemblée nationale au cours du débat sur la loi relative aux retraites, l’initiative que vient de prendre Jean-Pierre Sueur en vue de défendre le droit d’amendement peut paraître paradoxale…
Elle ne l’est pas.
Car il s’agit, dans la résolution qu’il vient de présenter, de veiller à une bonne application des articles 40 et 45 de la Constitution afin que les droits des sénateurs – la résolution portant sur le règlement du Sénat – soient respectés.
L’article 40 de la Constitution interdit aux assemblées parlementaires d’adopter des amendements ayant pour effet d’accroître les dépenses publiques ou de réduire les recettes publiques. Tout amendement ayant cet effet est déclaré irrecevable et ne peut pas être déposé ni soutenu en séance publique.
Mais l’appréciation qui conduit à considérer que telle ou telle proposition a cet effet est souvent sujette à discussion.
C’est pourquoi la résolution de Jean-Pierre Sueur instaure une possibilité de « contradictoire » : l’auteur de l’amendement pourra ainsi faire valoir sa position avant toute décision d’application de l’article 40.
La question est plus cruciale encore avec l’article 45 qui permet d’exclure tout amendement sans rapport avec l’objet d’un projet ou d’une proposition de loi.
C’est, en effet, souvent question d’interprétation, et cela d’autant plus que la Constitution dispose qu’en première lecture, le rapport avec le texte peut être « même indirect ».
C’est pourquoi Jean-Pierre Sueur propose, là encore, d’introduire une procédure contradictoire et de permettre à l’auteur de l’amendement de faire valoir sa position devant le président de la commission, le rapporteur du texte, voire de demander un vote de la commission sur sa recevabilité.
Au total, il s’agit de permettre aux sénateurs d’exercer pleinement – et sans restriction injustifiée – le droit d’amendement qui leur est dévolu par la Constitution.