Jean-Pierre Sueur est intervenu sur la gestion de l’eau au Sénat, le 16 mars, lors du débat sur la proposition de loi visant à permettre une gestion différenciée de la compétence eau et assainissement.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la question de l'eau est tellement cruciale qu'elle sera sans doute l'un des problèmes politiques les plus complexes et les plus dirimants auxquels nous serons confrontés au cours des prochaines décennies, voire des prochaines années.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée. Exactement !
M. Jean-Pierre Sueur. Il s'agit d'une question grave, à laquelle nous devons apporter des réponses solides. Je ne reprendrai pas tous les arguments que Mme la ministre Dominique Faure et M. Théophile ont développés à l'instant. Ils sont véridiques et je les partage.
C'est pourquoi, mes chers collègues, j'ai voté en faveur de la loi NOTRe en 2015. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Jacques Panunzi. C'était une erreur !
M. Jean-Pierre Sueur. Je tiens à rappeler ici, car certains semblent l'avoir oublié, que si ce texte a été adopté en ces lieux, c'est parce qu'il a recueilli les suffrages de la majorité de la majorité et de la majorité de l'opposition de l'époque. J'ai ainsi entendu quelques discours singuliers sur la loi NOTRe, de la part même de ceux qui l'avaient votée.
M. Jean-Michel Arnaud. Et de la part de ceux qui ne l'ont pas votée ?
M. Jean-Pierre Sueur. Pour ma part, je suis clair : nous avons alors décidé de mutualiser la question de l'eau.
Pour autant, certaines choses ne fonctionnaient pas du tout. En particulier, je me souviens très bien que, lors de la commission mixte paritaire, nos collègues députés avaient souhaité la mise en œuvre de cette mesure dès 2018. J'étais parmi ceux qui leur ont indiqué qu'ils rêvaient et que c'était impossible. Nous, les sénateurs, avons donc proposé 2020.
J'ai même déclaré à l'époque, comme le montre le compte rendu, que de toute façon, l'échéance de 2020 ne serait pas tenable. C'est pour cette raison que j'ai voté la loi présentée par M. Retailleau en 2017 : ce délai était totalement irréaliste. C'est également pour cette raison que j'ai voté, avec mes collègues, la loi Ferrand-Fesneau, qui l'a fort heureusement repoussé à 2026, afin que nous ayons le temps d'effectuer les études et les diagnostics nécessaires.
La situation est très complexe. Certaines communes n'ont rien fait et le prix de l'eau y est bas. Il leur est alors facile de s'en réclamer pour refuser de rejoindre l'intercommunalité, au motif que cela ferait augmenter les coûts. À l'inverse, celles qui ont investi pour disposer d'un bon réseau connaissent un prix plus élevé.
Il est donc naturellement nécessaire de réaliser des calculs pour prendre en compte ces situations, afin que certains ne paient pas deux fois. Je conviens que ce n'est pas simple. Néanmoins, la mutualisation est une nécessité absolue pour l'efficacité.
Je défends ce point de vue en cohérence avec ce que j'ai toujours soutenu, avec la majorité du groupe socialiste. C'est clair et cela aura été dit à cette tribune.
Ensuite, la loi Engagement et proximité a représenté un grand pas en avant en permettant des assouplissements, tels que la délégation et la subdélégation aux syndicats.
Je me souviens d'ailleurs des propos de M. Mathieu Darnaud à cette tribune. Mon cher collègue, après avoir relevé que le texte répondait « à des préoccupations du quotidien », vous avez indiqué qu'il permettait de « trouver l'échelon adéquat pour offrir le meilleur service au moindre coût à nos concitoyens ». Je ne mentionnerai pas les mots dithyrambiques que prononçait alors Mme Gatel !
M. Mathieu Darnaud. Nous disons exactement la même chose : il faut de la liberté !
M. Jean-Pierre Sueur. La loi 3DS a également permis, à juste titre, des assouplissements en matière de concertation, de possibilité d'investir avec le budget principal et de dérogation à la dissolution des syndicats.
Vous avez raison : la réalité hydrique ne correspond pas forcément à la réalité communautaire. Cela impose que l'on puisse déroger, déléguer et subdéléguer à des syndicats existants. Une certaine souplesse est donc nécessaire, nous sommes d'accord.
Néanmoins, la position majoritaire du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est de continuer à avancer et de ne pas revenir en arrière, quelles que soient les difficultés.
Nous avons effectué un travail approfondi au sein de notre groupe. J'ignore encore si un scrutin public sera demandé sur le texte,...
M. Jean-Claude Requier. Il y en aura bien un !
M. Jean-Pierre Sueur. … mais je peux d'ores et déjà vous dire que quarante-neuf de nos collègues voteront contre ce texte, qu'ils considèrent comme un recul, douze seront pour (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) et trois s'abstiendront.
J'ai donc présenté la position de la majorité de mon groupe ainsi que celle de sa minorité, tout en exprimant ma conviction personnelle : quelles que soient les difficultés, l'enjeu est tel qu'il faut continuer à aller de l'avant !