Une promulgation précipitée
Oui, c’est vrai le Journal officiel paraît, chaque jour, ou plutôt chaque nuit, à trois heures du matin. En fait, il ne paraît plus puisque, depuis quelques années, il n’est diffusé que par voie numérique. C’est donc de manière précipitée, dans la soirée, qu’en dépit de tous les appels des dirigeants syndicaux qui le pressaient de ne pas le faire, le président de la République a choisi de promulguer le projet de loi, dit de finances rectificative, validé partiellement par le Conseil constitutionnel, apportant ainsi un nouveau signe de sa volonté inflexible de refuser tout dialogue, toute concertation, toute négociation, tout compromis, du début à la fin de ce processus. Les réactions devant cet acte montrent que les conséquences risquent d’en être lourdes et durables. N’oublions jamais que l’article un de la Constitution dit que la France est une « République sociale ».
Un précédent constitutionnel
L’effet paradoxal de la décision du Conseil constitutionnel, c’est que si le recours à l’article 47-1 de la Constitution (qui ne traite que des lois de finances) ne fait pas – pour les membres de ce Conseil – obstacle au cœur de la loi, c’est-à-dire au passage de l’âge de la retraite à 64 ans, il leur a néanmoins permis d’annuler toutes les mesures sociales incluses dans le texte et ajoutées par amendement lors des débats. Le paradoxe, donc, est que le texte est moins social après la décision du Conseil constitutionnel qu’il ne l’était avant… et qu’en particulier toutes les avancées évoquées et invoquées par les députés et sénateurs LR pour voter le texte… sont réduites à néant !
Mais il y a plus. Un précédent est créé. Car dès lors que cette pratique est validée par le Conseil constitutionnel, la procédure instaurée par l’article 47-1 de la Constitution peut s’appliquer à tout projet de loi qui n’est pas essentiellement une loi de finances, tout gouvernement pourra, en vertu de ce précédent, utiliser cette même procédure pour faire adopter des projets de loi divers et variés, et évidemment recourir à l’article 49-3 (qui permet rappelons-le, « l’adoption » d’un texte sans vote) puisqu’aucune restriction n’existe dans la Constitution pour le recours au 49-3 pour les projets de loi de finances, ce qui n’est pas le cas pour les autres projets de loi pour lesquels un seul recours est possible par session parlementaire.
Jean-Pierre Sueur