MulierAndré Mulier, dans l’espérance que cela ne revienne pas.
C’est pourquoi nous devons être reconnaissant à André Mulier d’avoir écrit, avec l’aide et la complicité de Dany Percheron, ce livre intitulé « Vingt-trois mois dans les camps nazis. Buchenwald et Langenstein » (Editions L’Harmattan) qui raconte sa vie et plus particulièrement sa vie de déporté.
Cette vie-là fut terrible. C’est à juste titre que Dany Percheron cite dans sa préface cette phrase d’Edmond Michelet, qui fut, lui aussi, déporté : « Une certaine candeur nous est à jamais interdite » (p. 12).
André Mulier décrit la vie des camps, « les mascarades destinées à nous avilir » (p. 140). Il écrit : « La soif, c’est vraiment quelque chose d’abominable, cela vous anéantit » (p. 41). Il explique que « les Français, à cette époque-là, n’étaient pas si bien vus dans les camps par les autres nationalités qui leur reprochaient la défaite de 1940 et la collaboration de Pétain avec les nazis » (p. 47). Il nous parle des conditions de vie, atroces, et de toutes les souffrances endurées.
Il nous parle de son évasion et de la « réadaptation difficile » que ses camardes et lui-même vécurent à leur retour en France.
André Mulier revient à Pithiviers le 9 mai 1945, alors que cette ville est en fête. Il écrit : « Je ne comprends pas, je me demande ce qui se passe, tous ces gens en liesse et moi qui suis comme un abruti, complètement en décalage » (p. 74).
Et encore : « La vie a été très dure au retour des camps. Il nous a fallu énormément de temps, à nous déportés, pour nous réadapter à ce qui était considéré comme une existence « normale », celle de gens qui étaient à mille lieux de se douter de ce qu’avait pu être notre calvaire. Il y avait un fossé d’incompréhension entre eux et nous. Je ne voulais pas, je ne pouvais pas parler de cela. Nous ne l’évoquions justement qu’entre nous, les rescapés des camps. Et c’est d’ailleurs par mes camarades que, plus tard, mon épouse a appris ce qui m’était arrivé, je n’arrivais pas à communiquer à ce sujet » (p. 75).
C’est vrai : il fallut du temps pour que la France prenne conscience de l’horreur des camps et de la tragédie vécue par les déportés.
André Mulier nous rappelle qu’il y eut 90 000 déportés français (sans compter tous les autres), que 40 000 ne sont jamais revenus, que « bien d’autres ont survécu peu de temps » et que « tous les survivants ont porté, comme moi, à vie, les stigmates de leur déportation ».
Nous devons respect et grands remerciements à André Mulier pour son livre si précieux.

Jean-Pierre Sueur

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