… J’ai trouvé ahurissant de lire dans les propositions écrites récemment transmises par le Premier ministre le projet de réduire le nombre d’amendements que les parlementaires seraient en droit de déposer en fonction de quotas qui seraient proportionnels à la taille de leur groupe !
… Ahurissant, oui, car le Premier ministre semble méconnaître l’article 44 de la Constitution en vertu duquel le droit d’amendement des parlementaires est personnel, et ne saurait donc dépendre de l’importance du groupe auquel ils appartiennent !
Et surtout, c’est l’essence même du travail parlementaire que d’élaborer, d’écrire, de ré-écrire s’il le faut, et de voter les lois…
Le Parlement n’a de sens que parce que chaque parlementaire peut – et doit – contribuer à l’écriture de la loi qui, une fois votée et promulguée, s’appliquera – souvent pour très longtemps – à tous les Français.
Ancien président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré vient de déclarer dans le Journal du dimanche : « Le Conseil constitutionnel a toujours considéré que le droit d’amendement faisait partie de la fonction parlementaire, et qu’on ne pouvait pas limiter ce droit ».
Soyons précis. Notre République souffre aujourd’hui d’un déséquilibre des pouvoirs au bénéfice de l’exécutif et au détriment du législatif.
Si la prochaine réforme constitutionnelle avait pour objet, par des mesures aussi provocatrices et infondées que celles-ci, d’accroître ce déséquilibre – qu’il faut au contraire réduire ! – je ne saurais évidemment y souscrire.
Jean-Pierre Sueur