Pour avoir beaucoup travaillé sur ce sujet il y a quelques années – et encore récemment - je tiens à saluer les propositions rendues publiques par Jean-Louis Borloo.
Et je veux souligner, comme il l’a fait lui-même, la forte mobilisation de plusieurs dizaines – et même de centaines – d’élus qui sont à l’origine de ces propositions et ont su faire entendre leur colère et leur désarroi devant le fait, qu’une fois encore, la politique de la ville leur paraissait s’enliser, se perdre dans les complexités administratives et surtout ne pas recevoir les financements et les moyens nécessaires.
Certaines des propositions concernent le long terme ou le moyen terme. D’autres relèvent de l’urgence.
Reprenant des thèses que j’ai amplement exposées dans le passé, j’insisterai sur trois points.
- Des moyens sont nécessaires. Lorsque j’avais proposé une loi de programmation de dix ans, lorsque d’autres l’ont fait ensuite, les autorités de Bercy ont récusé cette idée au motif de la sacro-sainte « annualité budgétaire ». Il faut aujourd’hui dépasser cette objection. Il faut une programmation sur dix ans, dotée de moyens « sanctuarisés » qui s’imposera à tous les gouvernements à venir (cela vaut aussi pour la Justice où le retard à rattraper est considérable).
- On a trop souvent, au motif de les « aider », maintenu et enfoncé les quartiers dits « de la politique de la ville » dans un statut – voire dans un ghetto. Il faut en sortir. Il ne faut pas seulement « réparer » ces quartiers. C’est toute l’aire urbaine qu’il faut repenser en mettant partout en œuvre la mixité sociale et la mixité fonctionnelle (l’une ne va pas sans l’autre). Chacun doit avoir droit de cité dans la ville de demain sur tous les espaces et dans chaque espace, toutes les fonctions (habitat, travail, formation, commerce, culture, sports, loisirs…) doivent être représentées. C’est dire que la mobilité doit être un enjeu essentiel.
- Il faut corrélativement en finir avec les « zonages » ou les « zonages » excessifs. La France a été la championne du monde des zonages dans la politique de la ville. Or le zonage stigmatise, même si l’on prétend que sa fonction est d’aider et de permettre au quartier considéré de « sortir » du « zonage » – ce qui le plus souvent n’arrive pas. Il est bien sûr indispensable de développer des politiques de solidarité et de « donner plus à ceux qui ont moins », mais il est possible (il doit être possible) de le faire sans que les « bénéficiaires » de cette salutaire œuvre de justice soient « assignés à résidence » dans des périmètres dont ils ne sortent pas.
Jean-Pierre Sueur
>> « Demain la ville » (1998)
>> « Villes du futur, futur des villes » (2011, Sénat)
>> « Le phénomène urbain, un atout pour le futur » (2016-2017, Sénat)
>> Changer la ville, Odile Jacob, 1999.