En dépit des polémiques, et même des insultes, la commission d’enquête parlementaire constituée au Sénat sur ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire Benalla » poursuit ses travaux avec calme, sérénité, vigilance et détermination.
Étant co-rapporteur de cette commission d’enquête, j’ai été très sollicité. Et je souhaite revenir sur quelques sujets sur lesquels j’ai été interrogé par différents médias.
D’abord, cette « affaire » ne prend-elle pas trop de place ? Ma réponse est simple : les membres de la commission d’enquête ne sont pas responsables de la place qui lui est donnée dans les médias, qui exercent librement leur mission. Nous ne méconnaissons pas les lourdes questions qui apparaissent dans l’actualité nationale et internationale. Et nous passons beaucoup de temps à préparer les débats sur les projets de loi à venir (je pense en particulier au projet de loi sur la justice) ou sur ceux qui reviendront (comme le projet de loi « ELAN »). Mais nous nous devons aussi d’assumer notre tâche au sein de la commission d’enquête.
Celle-ci était-elle nécessaire ? Oui, bien sûr. Chaque fois que des événements aussi graves que ceux qui ont eu lieu se produisent, chaque fois que des dysfonctionnements manifestes et lourds de conséquences apparaissent, de telles commissions d’enquête sont créées. Au Sénat, il y en a chaque année six ou sept. Il y en a autant à l’Assemblée Nationale.
La Constitution confie au Parlement la tâche de voter la loi. Elle lui donne, par son article 24, une deuxième mission qui consiste à « contrôler le gouvernement » et à « évaluer les politiques publiques. » L’article 51 dispose que, pour l’exercice ces « missions de contrôle et d’évaluation (…) définies à l’article 24 (…) des commissions d’enquête peuvent être créées. »
L’ordonnance du 17 novembre 1958 dispose que « toute personne dont la commission d’enquête a jugé l’audition utile est tenue de déférer à cette convocation qui lui est délivrée. »
Elle dispose également que les commissions d’enquête parlementaires « ne peuvent traiter de faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires. » C’est pourquoi nous veillons scrupuleusement à ne pas interférer, dans nos questions, sur ce qui relève de la justice.
Notre tâche n’est pas celle de la justice. Elle consiste, je le rappelle, à « contrôler le gouvernement » et à « évaluer les politiques publiques. »
Nous nous attachons donc à ce qui relève de l’État, de la puissance publique, des services publics.
Toutes les personnes que nous interrogeons doivent jurer de dire « toute la vérité. »
Nous nous attachons, et nous attacherons, à connaître la vérité – il y a encore aujourd’hui des non-dits, des imprécisions, des ambiguïtés et des contradictions –, à connaître tous les dysfonctionnements qui ont pu apparaître à tous les niveaux et nous ferons enfin des propositions pour mettre fin à ces dysfonctionnements.
Un dernier mot. Certains nous ont accusés de mener des objectifs politiques. Ce n’est pas le cas. Lorsque, dans des débats parlementaires, nous nous exprimons sur des projets et propositions de loi, nous défendons évidemment, chacune et chacun, nos positions politiques.
L’objectif d’une commission d’enquête parlementaire est tout autre. C’est pourquoi le président de la commission, les deux co-rapporteurs et les membres de la commission œuvrent en totale cohésion et cohérence, dans le respect et dans les limites de nos prérogatives constitutionnelles.
Ce n’est pas au Sénat, mais c’est à l’Assemblée nationale, qu’une commission d’enquête a explosé en plein vol, pour des raisons politiques.
Pour notre part, nous poursuivrons notre travail, dans l’état d’esprit que je viens de rappeler, au service de la République.
Jean-Pierre Sueur
>> Voir les vidéos des trois auditions du mercredi 12 septembre :
- François-Xavier Lauch, chef de cabinet du président de la République
- Général Éric Bio-Farina, commandant militaire de la présidence de la République
- Maxence Creusat, commissaire de police à la préfecture de Police de Paris
- On va plus loin, Public Sénat, 11 septembre
- Grand Angle, BFM TV, 11 septembre
>> Lire l’article de Public Sénat sur les questions juridiques