Article paru dans la revue Les événements de cet été ont montré combien les critiques qui ont été faites à l’APA étaient injustifiées. On ne peut plus ignorer que la prise en charge de la dépendance ou, pour mieux dire, du degré le plus élevé d'autonomie possible jusqu'au dernier jour de la vie, à un coût, et que ce coût ne peut que croître.
Lorsque j’ai rédigé, en 2000, le rapport qui a servi de base à la loi créant l'APA, la plupart des représentants des syndicats, associations et organismes de Sécurité sociale que j'ai rencontrés ont défendu la mise en oeuvre d'un cinquième risque.
Pour moi, l’APA est une étape qui représente un pas important vers le cinquième risque. Elle constitue, en effet, un objet original : c’est une prestation légale dont les conditions d'attribution fixées sont identiques dans toute la France ; elle fait appel au financement d'une collectivité locale à côté de celui de l'État ; elle est mise en œuvre au plus près du terrain, de manière à prendre en compte la spécificité de chaque situation.
Il faut maintenant aller plus loin et continuer d'avancer vers ce cinquième risque, ce qui suppose, à mon sens, des étapes successives.
On fait souvent référence, à cet égard, au modèle allemand. Mais celui-ci n'est pas transposable tel quel. C’est ainsi qu’il ne parait pas conforme aux principes de notre Sécurité sociale de transposer la clause du système allemand selon laquelle, au dessus d'un certain niveau de revenus, la perception de la prestation est subordonnée à une obligation d'assurance auprès de compagnies privées.
Les évolutions souhaitables vers le cinquième risque supposent que l'on réponde à plusieurs questions. La première est de savoir si on limite le cinquième risque à la dépendance des personnes âgées ou si, comme c'est le cas en Allemagne, on englobe dans ce risque la situation de « toutes les personnes souffrant d'une maladie corporelle, psychique ou mentale et qui ont un besoin d'aides régulier et récurrent », quel que soit leur âge. L'intégration dans le cinquième risque de l’ensemble du handicap, demandée par un certain nombre d'associations, exige d'abord un dialogue approfondi avec celles-ci.
La seconde est de savoir si on continue ou non à faire appel au financement des conseils généraux. Les prestations de la Sécurité sociale ne relèvent pas, historiquement, de la contribution financière des collectivités locales. Mais la CMU constitue désormais un contre exemple. On voit mal, aussi, comment se priver de ces sommes. La question est de savoir s'il faut inventer un dispositif original à cet égard ou transférer les sommes apportées par les départements vers des cotisations, ce qui serait problématique, ou leur substituer une hausse de la CSG, ce qui reviendrait à substituer un impôt national à un impôt local.
Mais la question principale reste celle du coût. À cet égard, les propositions du type « jour férié » sont des gadgets. La vérité est que, quels que soient l’emballage ou la présentation qu’on en fait, on n'échappe pas au recours à des ressources complémentaires. Et si l'on veut que le cinquième risque s'inscrive vraiment dans le cadre de la solidarité nationale, il parait difficile que celui-ci repose exclusivement sur les cotisations. Il faut donc définir, selon des règles de justice, la contribution des différentes formes de revenu - et non seulement des revenus liés au travail -à son financement.
Jean-Pierre SUEUR

Télécharger le fichier