A la suite de la cérémonie de présentation des voeux du chef de l'Etat aux "force vives de la Nation", Jean-Pierre Sueur fait part, dans un communiqué, de ses réflexions sur quelques "effets d'annonce" de la déclaration de M. Jacques Chirac. Lors de la récente cérémonie de vœux aux « forces vives » de la Nation, le président de la République a fait toute une série d’annonces qui posent un problème de cohérence.
Cela fait quelques jours à peine que le budget de l’Etat pour 2004 a été adopté par le Parlement après de longs débats.
Or, les déclarations du chef de l’Etat rendent ce budget d’ores et déjà caduc. Il y a là une question de méthode qui ne me paraît pas secondaire.
La logique aurait voulu que le Président définisse des orientations, qui seraient ensuite inscrites dans les choix budgétaires proposés par le Gouvernement au Parlement. A l’inverse, nous vivons un système dans lequel tout se passe comme si le débat budgétaire mené par les élus de la Nation était un théâtre d’ombre, mis en pièce par le Président, alors que l’encre des délibérations n’est pas sèche.

Au-delà de cette question de méthode, nous ne pouvons que constater que nous vivons sous l’empire de la contradiction. J’en prendrai trois exemples.

• La taxe professionnelle. Tout a été dit sur cet impôt « imbécile ». Le Gouvernement Jospin a eu le mérite d’agir et de supprimer la « part salaire » de cette taxe dans des conditions de financement – et de compensation pour les collectivités locales – clairement inscrites dans le budget de l’Etat. A l’inverse, la franchise sur les nouveaux investissements que vient d’annoncer le chef de l’Etat n’est pas financée dans le budget 2004. Et on sait bien que même si la taxe professionnelle était supprimée, il faudrait redéfinir un « impôt économique » et que le seul débat intéressant est de savoir quels critères seraient pris en compte pour définir cet impôt. Par ailleurs, les élus locaux ont tous dit qu’ils étaient dans l’incapacité de se passer de la ressource que constitue aujourd’hui la taxe professionnelle. L’idée qui vient le plus rapidement à l’esprit est que la franchise annoncée par Jacques CHIRAC pourrait donner lieu à une nouvelle « compensation de l’Etat à due concurrence » (après tant d’autres…). Mais l’expérience montre que ces compensations s’érodent au fil du temps… Et surtout, la réforme constitutionnelle votée l’année dernière à l’initiative du Gouvernement Raffarin interdit d’accroître encore la somme déjà plus qu’excessive des dotations de l’Etat aux collectivités locales. Alors ? On voudrait bien y voir clair…

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• Le logement. Le chef de l’Etat que nous annonce qu’il s’agit d’une grande priorité. Or, dans le budget voté par la majorité de l’Assemblée nationale et du Sénat il y a quelques jours, les moyens affectés au logement diminuent de plus de 8 % en 2004 par rapport à 2003. Le verbe présidentiel ne peut malheureusement, à lui seul, compenser cette baisse.

• La recherche. C’était une des « grandes priorités » du programme de Jacques CHIRAC pour la présidentielle. Depuis, nous avons eu droit à un budget 2003 de la recherche calamiteux et à un budget 2004 à peine meilleur qui ne permet en aucun cas d’avancer vers les « 3 % du PIB pour la recherche » que le chef de l’Etat vient d’annoncer – une nouvelle fois – comme objectif ! Résultat : de nombreux laboratoires connaissent des difficultés et, faute de poste, des jeunes chercheurs français, en nombre significatif, vont travailler dans d’autres pays.

Conclusions : il est facile de baisser les impôts ; mais il ne faudrait pas que la baisse d’impôt national se traduise demain par une augmentation des impôts locaux ; par ailleurs, il n’est pas possible de mettre en œuvre toutes les priorités annoncées (je n’en ai cité que deux !) sans ressources, si annoncer des réductions fiscales non financées est facile, il serait assurément plus judicieux de réformer la fiscalité (notamment locale) pour qu’elle soit plus juste et mieux adaptée au développement économique ; enfin, le budget doit traduire une politique - et lorsque les annonces qui sont faites au plus haut niveau contredisent le budget, le moins qu’on puisse dire est qu’il y a là une incohérence qui laisse sceptique – et inquiet – quant à la crédibilité et aux conséquences des promesses qui sont faites.


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