Certains regardent l'arrivée de dix nouveaux pays dans l'Union Européenne avec une indifférence polie, se focalisant surtout sur les inconvénients que cela entraînerait. Je ne suis pas de ceux-là. Ce 1er mai est, pour moi, un jour historique. L'émotion... Certains regardent l'arrivée de dix nouveaux pays dans l'Union Européenne avec une indifférence polie, se focalisant surtout sur les inconvénients que cela entraînerait. Je ne suis pas de ceux-là. Ce 1er mai est, pour moi, un jour historique. L'émotion et la fierté des habitants de ces dix pays qui nous rejoignent ne sont pas feintes. Elles sont sincères. C'est aujourd'hui que le mur de Berlin finit vraiment de tomber, que des pays et des peuples séparés par ce qui fut trop longtemps le rideau de fer se rassemblent. Ce n'est pas une unification, c'est une réunification, même si le processus n'est pas achevé, puisque d'autres nous rejoindront demain. L'Union Européenne compte aujourd'hui 450 000 de citoyens. Je pense, en ce 1er mai, à Victor Hugo, qui parlait déjà des "Etats Unis d'Europe", à tous les pionniers, à tous ceux, à toutes celles qui ont oeuvré pour construire cette Europe, et à qui nous devons reconnaissance. Nous mesurons que la tâche est immense. L'Europe se doit d'abord d'oeuvrer pour la paix. C'est sa raison d'être. Elle a beaucoup d'autres missions, mais, mardi dernier, au Sénat, lors d'une conférence organisée par l'Institut François Mitterrand, Jacques Delors appelait au réalisme. Les pionniers de l'Europe ont su avancer étape par étape. Il faut savoir avancer concrètement, vaincre les obstacles les uns après les autres. L'esprit européen, c'est l'union de la liberté, de la solidarité et du sens de l'intérêt commun. Nous connaissons les méfaits du dogme libéral qui, au nom du marché souverain sacrifie la solidarité et l'intérêt général. Nous avons connu - et beaucoup des pays qui entrent aujourd'hui dans l'union Européenne ont connu – les méfaits de l'étatisation intégrale de la société qui, au nom d'une certaine idée de l'émancipation des êtres humains, a tué la liberté. L'Europe, c'est tout autre chose. C'est la liberté et la solidarité. Ce doit être suffisamment de puissance publique, de lois, de règles et de services publics pour que la société soit juste et permette l'épanouissement de chacun. Ce doit être, indissociablement, le goût de l'initiative et le sens de la responsabilité. Ce doit être une référence offerte au monde. Comment ne pas penser que ce 1er mai est un nouveau départ, et que si les difficultés ne manquent pas, l'enjeu mérite qu'on les affronte !
Jean-Pierre Sueur