Je préfère parler de nouveaux transports urbains plutôt que tram, de TVR, de tram-train, etc. Les technologies sont multiples et évolutives. Chaque agglomération doit choisir le mode transport moderne le mieux adapté. Ces choix ne sont pas seulement des choix en matière de transports. Ce sont des choix d'urbanisme. On ne reviendra pas à la ville "concentrique" d'hier. Mais il faut dépasser la ville faite de juxtaposition d'espaces monofonctionnels que nous connaissons trop souvent aujourd'hui. La ville de demain sera "multipolaire"". Elle pariera, je crois, sur la plurifonctionnalité des espaces et des pôles urbains. Dans ce contexte, le droit à la mobilité est essentiel. Il permet à chacun d'être citoyen de toute la ville, de toute l'agglomération. Les nouveaux transports urbains permettent une meilleure complémentarité dans les modes de déplacement. Ils donnent à la ville une plus grande convivialité. Ils ont aussi une fonction ludique, esthétique. Ils contribuent à la beauté et à la modernité des aires urbaines.
Q : Cela dit, vous dénoncez la lourdeur des procédures et leur lenteur...
Tout à fait. Les élus qui choisissent d'implanter un tram doivent effectuer un authentique "parcours du combattant" et, finalement, tout projet peut être recalé à une étape ou à une autre du parcours. Les enquêtes publiques sont souvent trop longues. Prenez l'exemple de Caen : les commissaires enquêteurs ont fait un rapport de pure opportunité. Si je prends celui d'Orléans, on voulait nous faire construire une passerelle pour ne pas porter atteinte à un pont historique que ladite passerelle aurait masqué et on nous reprochait de le faire passer le tram dans un secteur qui n'est pas habité aujourd'hui... alors qu'il accueillera bientôt des milliers d'habitants et qu'il est judicieux de prévoir les modes de transport avant l'urbanisation... comme le demandent constamment les pouvoirs publics !
Autre contrainte : l'IMEC (NDRL : instruction mixte à l'échelon central) qui concerne 18 ministères. Chaque ministère doit donner son avis... ce qui est souvent très long. Pour Orléans, j'ai obtenu qu'une réunion interministérielle soit organisée afin que le dossier puisse être réglé. Pourquoi ne pas confier la responsabilité de l'IMEC au Préfet qui a la responsabilité de toutes les administrations de l'Etat concernées et ainsi mettre concrètement en oeuvre la nécessaire déconcentration ?
Au total, pour Orléans, entre le début de la procédure et l'avis du Conseil d'Etat près de deux ans se seront écoulés.
Je crois, en outre, que ce processus ne garantit pas un bon débat public. A mon avis il faudrait une expertise de l'Etat limitée dans le temps et une concertation forte, intense avec la population avant que le projet ne soit bouclé. Ensuite il est trop tard, il est difficile de faire évoluer le projet et, les gens se focalisent pour ou contre.
Q : Vous jugez aussi la contribution de l'Etat trop faible ?
A Orléans, nous avons reçu 374 millions de subventions du ministère de l'Equipement, des Transports et du Logement, ce qui est très bien. Le GART a calculé que les besoins de financement (30 % hors matériel roulant) des projets existants s'élevaient à 60 milliards... Les sommes prévues au budget de l'Etat doivent être, chaque année, de l'ordre de 800 millions par an. D'où l'idée que j'ai défendu dans mon rapport "Demain la ville" de déplacer une partie des crédits routes vers les transports urbains modernes.
A Orléans, le coût sera, matériel roulant compris, de l'ordre de 1,8 millards de F. Ce sont des projets très créateurs d'emplois qu'il s'agisse des entreprises de BTP, des architectes, des constructeurs de matériel.
Il faut savoir qu'une étude de l'Association des Maires de Grandes Villes de France fait apparaître que lorsqu'une grande ville investit 1 million de F, cela se traduit par la création de 3,1 emplois dans le secteur privé.
Q : Quel jugement portez-vous sur la ville d'aujourd'hui ? Quels problèmes demain ?
La politique de la ville a eu, bien sûr, des effets positifs. Mais, ces dernières décennies, elle a été trop souvent une politique réparatrice. Il faut lui substituer une politique ambitieuse de recomposition urbaine. Faute de quoi la ségrégation et la ghétoïsation s'accentueront. Les années 58/70 ont connu l'électrochoc des "grands ensembles". Aujourd'hui, il faut un effort du même ordre, de la même ampleur : ce doit être la révolution de la "qualité urbaine".
Je suis persuadé qu'il ne faut pas s'attaquer seulement aux zones à problèmes mais qu'il est nécessaire de travailler sur des aires plus larges. La recomposition urbaine doit être conçue et menée - pour une part non négligeable - au niveau de l'agglomération.
J'ai proposé dans le rapport "Demain la ville" une véritable mobilisation nationale. J'ai chiffré l'apport de l'Etat et des Collectivités à 35 milliards par an durant 10 ans. Cette mobilisation devra notamment s'inscrire dans des contrats d'agglomération ambitieux, centrés sur des opérations structurantes.
Q : Que faire pour améliorer les entrées de ville ?
Les entrées de ville sont le grand "ratage" des 40 dernières années. C'est une offense à la qualité et à l'identité des villes qu'on a toutes enserrées du même paysage fait des mêmes pancartes et enseignes et des mêmes cubes, parallélipèdes et autres "boîtes à chaussures".
Je prône une loi Malraux pour les entrées de villes avec des contraintes d'urbanismes fortes. Je suis partisan que les concours d'architecture soient obligatoires pour les "grandes surfaces".
Je suis favorable enfin à une taxe unique professionnelle d'agglomération par un amendement à la loi Chevenement : la course à la T.P a des effets pervers. Il y a une corrélation entre les disparités des taux de T.P à quelques centaines de mètres d'écart au sein de la même agglomération et l'incapacité à maîtriser l'aménagement urbain, le mitage industriel, la consommation abusive d'espace et le saccage des entrées de ville.
Q : Dans cette logique vous êtes partisan de l'élection au suffrage universel des responsables des agglomérations ?
Je suis persuadé que les conseils d'agglomération doivent être élus au suffrage universel car les décisions importantes se prennent de plus en plus à ce niveau : c'est au niveau de l'agglomération qu'on délibère aujourd'hui du Schéma Directeur, du Plan de Déplacement Urbain, du Programme Local de l'Habitat. C'est à ce niveau qu'on traite nombre de questions liées à l'environnement, à l'aménagement et au développement économique. On prélève déjà et on prélèvera une part croissante des impôts locaux à ce niveau. Dans ces conditions, la question de la légitimité démocratique des assemblées d'agglomération - et donc de leur élection au suffrage universel - se pose nécessairement. Ce doit être l'occasion d'aller vers une "seconde étape de la décentralisation".
Thème : Textes sur Orléans