J’adresse, tout d’abord, mes félicitations à Emmanuel Macron, réélu président de la République.
Au-delà du succès qui est le sien, son élection – et il le sait – est le fruit du vote de millions de Français de toutes sensibilités politiques qui se sont rassemblés autour de sa candidature pour défendre les valeurs républicaines et faire barrage à l’extrême droite.
Il serait donc fallacieux de faire – comme certains s’y emploient déjà – une récupération partisane de suffrages qui marquaient justement l’adhésion d’une large majorité des électeurs à la République, à l’esprit républicain, à l’État de droit et à nos libertés.
J’espère qu’Emmanuel Macron saura s’en souvenir dans les cinq ans qui viennent.
Je pense particulièrement à la façon d’exercer le pouvoir.
La « verticalité » qu’il a beaucoup pratiquée, qu’il a même théorisée, n’est assurément plus de saison.
Emmanuel Macron, lui-même, prône une nouvelle manière de gouverner et de mettre en œuvre les nécessaires réformes.
Cela doit, à mon sens, passer par un dialogue constant avec le Parlement qui représente nos concitoyens, même si d’autres formes de dialogue et de concertation peuvent s’avérer utiles.
Et c’est pourquoi je plaide, en vue des prochaines élections législatives, pour une Assemblée Nationale pluraliste.
Nous l’avons bien vu durant les cinq dernières années : une large majorité pléthorique et monolithique à l’Assemblée Nationale ne permet pas le dialogue que j’appelle de mes vœux. Ce modèle, qui a fonctionné durant des décennies – et que j’ai vécu dans la majorité comme dans l’opposition – est arrivé en bout de course. Car, en dépit de la qualité et des efforts des députés membres de ces majorités écrasantes, il transforme trop souvent l’Assemblée Nationale en chambre d’enregistrement. Et par contraste, je dis : heureusement qu’il y a un Sénat, véritablement pluraliste, lui.
J’appelle donc de mes vœux une Assemblée Nationale véritablement pluraliste, et donc représentative de la diversité des opinions et des convictions, et en son sein – ce qui n’étonnera personne – une gauche pleinement représentée, elle aussi dans sa véritable diversité.
Cela dépend, bien sûr, des électeurs. Dans une démocratie, ils sont le souverain.
Cette question essentielle est entre leurs mains.
Faute que les institutions jouent pleinement leur rôle, faute que s’instaure un dialogue permanent entre l’exécutif et le législatif, je craindrais que, malgré les précautions verbales, la « verticalité » soit de retour, avec les incompréhensions, les crises et les impasses qu’elle induit inéluctablement.
Or, faire vivre notre démocratie, instaurer de vrais dialogues républicains, redonner tout son sens à la séparation des pouvoirs, retrouver l’esprit de nos institutions avant de les réformer, ce serait, je crois, tirer les vraies leçons de la période que nous venons de vivre et de l’élection présidentielle qui vient d’avoir lieu.
Jean-Pierre Sueur