Jean-Pierre Sueur avait déposé en 2012 une proposition de loi pour que le juge français puisse exercer pleinement ses compétences pour ce qui est des infractions visées par le statut de la Cour Pénale Internationale (CPI), c’est-à-dire les génocides, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre.
En effet, le traité de Rome, qui a fondé la CPI, prévoyait explicitement que celle-ci fût complémentaire par rapport aux juridictions nationales.
En rédigeant cette proposition de loi, Jean-Pierre Sueur reprenait les positions de Robert Badinter et de la coalition des associations qui s’étaient constituées à ce sujet.
La proposition de loi prévoyait la suppression des quatre « verrous » qui font obstacle à ce que le juge français exerce pleinement ses compétences telles que prévues par ce traité.
Cette proposition était votée à l’unanimité par le Sénat en 2013, le texte ayant toutefois été amendé afin que l’un des « verrous » – celui prévoyant le monopole du parquet pour diligenter les poursuites – fût maintenu, les trois autres étant supprimés.
Malgré de multiples interventions, Jean-Pierre Sueur n’a pas pu obtenir entre 2013 et 2018 que le texte fût inscrit à l’ordre du jour du Sénat.
C’est pourquoi il a déposé un amendement à l’actuel projet de loi « Justice » reprenant les termes de la proposition de loi adoptée par le Sénat.
Après une concertation avec le gouvernement, des avancées ont pu être obtenues. Elles sont donc intégrées dans le projet de loi.
Elles consistent d’abord en la suppression du « verrou » imposant que la CPI « décline sa compétence » avant que les poursuites puissent être engagées par le juge français. Le gouvernement a, en effet, considéré qu’en vertu du principe de subsidiarité, cette clause excédait « ce qu’impose le traité de Rome. »
Un autre verrou concerne la double incrimination. Jean-Pierre Sueur a toujours considéré qu’il devait être levé puisqu’il ne permet au juge français d’agir que si l’incrimination est identique en droit français et dans le droit d’un pays étranger qui ne partage pas toujours – et c’est dans certains cas, un euphémisme – la position de la France en matière de droits humains.
Le gouvernement a accepté la suppression de ce verrou pour les génocides. C’est donc la seconde « avancée » qui a été obtenue. Reste à obtenir qu’il soit également supprimé pour les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre.
Le dernier verrou concerne la « résidence habituelle » en France de la personne susceptible d’être incriminée. Jean-Pierre Sueur a toujours combattu cette notion, considérant que la présence sur le territoire français devrait suffire. Comme n’a cessé de dire Robert Badinter : « Conserver la condition de résidence habituelle signifie que nous ne nous reconnaissons compétents pour arrêter, poursuivre et juger les criminels contre l’humanité, c’est-à-dire les pires qui soient, que s’ils ont eu l’imprudence de résider de façon quasi permanente sur le territoire français. »
S’il constate qu’il y a eu « des pas en avant », Jean-Pierre Sueur considère que « nous ne sommes pas au bout du chemin. » Il continuera d’œuvrer, à la faveur de prochains projets et propositions de loi pour obtenir la levée des deux verrous qui subsistent, au moins partiellement, liés à la double incrimination et à la résidence habituelle.
>> Lire l'article de Jean-Baptiste Jacquin publié par Le Monde
>> Le compte-rebndu intégral de l'intervention de Jean-Pierre Sueur en séance publique
>> La vidéo de son intervention