S’il est une réforme de la Constitution qui est nécessaire, c’est celle qui garantira l’indépendance des magistrats du parquet à l’égard du pouvoir exécutif.
En effet, la France a été, à nombre de reprises, condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme au motif qu’en raison des modalités de leur nomination, les magistrats du parquet français ne peuvent, pour elle, être considérés comme une « autorité judiciaire » et ne remplissent pas « l’exigence d’indépendance à l’égard de l’exécutif. »
Et cela quand bien même les gardes des Sceaux – et tout particulièrement Christiane Taubira – suivent constamment et scrupuleusement les propositions du Conseil supérieur de la magistrature. Il suffit que la Constitution prévoie de manière explicite qu’il puisse en être autrement pour que la jurisprudence que je viens de rappeler de la Cour européenne des droits de l’Homme reste constante.
Il est donc nécessaire de réformer à cet égard la Constitution, comme vient de le rappeler François Hollande.
Il est – j’en suis persuadé – possible de trouver sur ce sujet un accord entre les deux assemblées et entre la majorité et l’opposition, à condition qu’on se limite aux dispositions «nécessaires et suffisantes» pour assurer l’indépendance des magistrats du parquet. J’en vois trois.
- Il faut que l’autorité de nomination – le garde des Sceaux – soit tenue de suivre les décisions de nomination prises par le Conseil supérieur de la magistrature. Il y aurait donc un « avis conforme » – exactement comme c’est le cas pour les magistrats du siège.
- Il faut aligner le régime disciplinaire des magistrats du parquet sur celui des magistrats du siège.
- Pour ce qui est de la composition du Conseil supérieur de la magistrature, je préconise, pour ma part, une parité entre magistrats et non-magistrats. Je préconise en outre que les six membres du collège « non-magistrats » continuent d’être proposés par le président de la République, le président du Sénat et le président de l’Assemblée Nationale, mais que leur nomination requière les 3/5e positifs des membres des commissions des lois des deux assemblées parlementaires (aujourd’hui, il faut une majorité des 3/5e pour s’opposer à une nomination. Je préconise que, conformément aux votes émis par les deux assemblées en 2013, une nomination ne puisse être effective que dès lors qu’elle réunirait 3/5e des suffrages).
Pour ce qui est des modalités qui permettraient d’arriver à un tel accord sur ces conditions « nécessaires et suffisantes », deux voies existent désormais. Et pour ma part, je n’en privilégie aucune : soit la poursuite de la navette à partir du texte du Sénat de 2013, soit un amendement qui créerait un nouveau chapitre à la réforme constitutionnelle qui a été annoncée, et donc au projet de loi constitutionnelle dont l’Assemblée Nationale débattra en février.
…Il est, bien sûr, toujours possible que, pour des raisons politiciennes et pour « ne pas offrir à François Hollande le bénéfice de cette réforme » (sic), il apparaisse impossible de réunir la majorité requise sur un texte que, pourtant, chacun appelle de ses vœux…
Mais le pire n’est pas toujours sûr. Et je veux croire que l’intérêt général et la nécessité de garantir dans la Constitution, l’indépendance des magistrats, prévaudront.
Jean-Pierre Sueur

Je dois à l’amitié de Michel Lesseur d’avoir découvert le livre de Bruno Fuligni, paru en 2002 aux Éditions de Paris qui s’intitule Victor Hugo Président ! et qui, disons-le, passa plutôt inaperçu, en dépit de la préface due à Jean-Pierre Chevènement.
Cependant, un autre candidat apparaît, qui va l’emporter : Louis-Napoléon Bonaparte. « La magie du nom opère ! » (p. 24). Victor Hugo se rallie à lui, cependant que L’Événement écrit que « le peuple a faim » et qu’il arrive que les génies doivent savoir laisser « aux hommes plus pratiques et moins grands qu’eux le soin de satisfaire à cette première besogne. Leur tour viendra » (p. 24).
Et quand il revient… dix-huit années plus tard et qu’il arrive à Paris le 5 septembre 1870…, « l’accueil est indescriptible. Des milliers de personnes viennent l’ovationner à la gare du Nord, où il lance un solennel appel à l’union. Il dira quatre fois son discours tant la foule est dense. » C’est une « apothéose inouïe » (p. 51). Mais, « sans s’en rendre compte, enivré par les vivats de la foule, Victor Hugo a laissé passer l’occasion historique. Rentré un peu trop tard, il trouve un gouvernement provisoire qui s’est constitué sans lui. Le peuple de Paris aurait pu imposer la tutelle du poète au triumvirat Thiers, Gambetta, Jules Favre, mais Hugo, quand on dételle sa voiture pour le conduire à l’Hôtel de Ville, s’y oppose formellement : "Citoyens, je ne suis pas venu pour ébranler le gouvernement provisoire de la République, mais pour l’appuyer" (…) La suite ne sera qu’une série de cruelles déconvenues » (p. 52). Et Bruno Fuligni achève son livre en commentant – lui aussi ! – les funérailles nationales du grand écrivain : « La République, solidement installée, rend un hommage ambigu à l’inspiré qui, dans l’exil, a personnifié son principe et garanti sa permanence. La pompe extraordinaire qu’il déploie trahit la mauvaise conscience du nouveau régime à l’égard du grand proscrit. La République paie sa dette : n’ayant pas voulu de Victor Hugo pour président, elle fait de lui son dieu tutélaire. Le mage règne et ne gouverne pas » (p. 67).
Je tiens à remercier mon ami Jo Le Lamer, qui m’a signalé l’excellente communication d’Ariane Gaillard sur « Le sort de l’urne cinéraire : enjeux anthropologiques et politiques » qu’on peut lire dans le compte-rendu du colloque « Éthique et crémation » qui a été organisé par l’Université de Lorraine.